Ce « journal de voyage en automobile », retrace l’épopée en Lorraine Dietrich du Duc de Montpensier et Gustave de Bernis en 1908, en Indochine française.
Cette expédition jusqu’à Angkor à pour but d’ouvrir la voie du tourisme dans ce pays et de prouver que c’est possible en automobile!
Ce qui nous intéresse particulièrement ici, c’est cette expédition en automobile en Indochine car cette voiture n’était autre qu’une Lorraine Dietrich!
« — Et la voiture!?!?
… La chère et précieuse voiture laissée voilà quinze jours déjà aux soins du brave Guérin qui nous a précédés ici… La Diétrich dont je n’ai plus de nouvelles depuis le Caire.Dans quel état allons-nous la retrouver? …/… Le pire n’est pas toujours certain! » je me sens en proie aux plus sombres pressentiments, tel un héros de roman… feuilleton! (…/…) En débarquant de l’Annam la caisse qui contenait le si précieux fardeau, le câble a cassé par deux fois et laissé tomber le tout à fond de cale, d’une hauteur que Guérin croit pouvoir évaluer à 10 mètres…
(…/…) Le mal est fait, il faut le réparer. A l’œuvre!
Forgerons, carrossiers, mécaniciens, tout le monde s’en est mêlé… et, au bout de quelques jours, il n’y paraît plus.
Toutefois, la Justice… (et la Vérité donc!) me font un devoir, d’ailleurs agréable à remplir, de reconnaître hautement que, sans la solidité extraordinaire de la voiture, notre voyage se serait terminé avant d’avoir commencé!.. En effet, rien dans le châssis ni dans le mécanisme n’a gardé trace du choc effroyable dont ils avaient eu à souffrir. Bravo pour les Diétrich!
— C’est de l’automaboulisme, a déclaré un fonctionnaire facétieux, et il faudrait avoir l’âme chevillée aux records (…./…)
Nous emportons donc deux jours de vivre, des pneus de rechange, des provisions d’essence, et la seule carte de la région qui nous paraisse mériter ce nom, une belle carte en vérité, de dimensions imposantes, fortement entoilée, toute bariolée de noms et de références; elle n’a qu’un défaut : c’est que l’on n’y trouve jamais ce que l’on y cherche. Mais les cartes servent-elles jamais à autre chose qu’à inspirer le goût des voyages à ceux qui restent chez eux? (…/…)
Avec l’approbation du guide, ils feront leurs premiers 15 kilomètres en sens inverse… puis enfin, ils sont dans la bonne direction
Celle qui fut l’âme de ce voyage mérite bien une mention honorable au début de ce cahier de route.
Représentez-vous par la pensée (ce qui n’exige pas d’ailleurs un bien grand effort!) une bonne 24/30 H. P. Lorraine Diétrich à châssis américain très renforcé et dont les énormes ressorts sont faits pour supporter le poids total de 3700 kilogrammes et surtout les chocs, les cahots, les secousses et les cent mille avanies que nous réservent les fameux sentiers à charrettes.
Par coquetterie, j’ai fait mettre des pignons de treize dents afin de pouvoir à l’occasion goûter un peu les joies de la deuxième vitesse.
Dans un voyage comme celui que nous entreprenons, on ne s’étonnera pas trop que je m’arrête aux détails de la carrosserie. Peut-être ne paraîtront-ils pas inutiles à ceux qui, comme je l’espère, voudront nous imiter et boire l’obstacle ailleurs que sur la route nationale de Paris à Trouville.
Donc, la carrosserie, un double phaéton très court (pour laisser place par derrière à deux malles, à quatre lits pliants, à quatre pneus de rechange et à la tente indispensable), ne présente qu’une seule porte, l’autre côté servant de dépôt aux cartouches; sur le marchepied de droite, un grand treuil avec 40 mètres de câble en acier, destiné à désembourber la voiture ou à lui permettre de remonter une pente trop raide : ce treuil se fixe à un arbre ou à un piquet assez solide au moyen d’un appareil complémentaire disposé sur le marchepied de gauche. Puis, viennent un extincteur, le générateur en acier bleui et une grande caisse en tôle contenant tout le matériel de cuisine : une table et trois chaises pliantes, trois pioches et trois pelles. A gauche, sur l’aile d’arrière, une boîte contenant deux lampes portatives à acétylène. Sur le marchepied, la réserve de 50 kilogrammes de carbure, en un tonnelet absolument étanche, et l’appareil du treuil. Devant le radiateur, trois fortes haches. Enfin, une grande capote en toile grise, qui non seulement nous garantira du soleil, mais nous servira surtout à écarter les branches et ainsi à nous ouvrir un chemin à travers la forêt. On conçoit que pour bien remplir un tel rôle (qui de prime abord ne paraît pas de son emploi), il faut à cette capote une solidité en quelque sorte granitique.
Du reste, tous les organes de la voiture, châssis, moteur et carrosserie, seront soumis à une rude épreuve.
Pour la machine, je suis tranquille : son nom seul me dispense d’en dire plus long. Et quant à la carrosserie, je me fie au travail de Berton-Labourdette; je connais et j’apprécie hautement le fini et la solidité des voitures qui sortent de chez lui et je crois pouvoir répondre que celle-ci fera honneur à sa maison. (…/…)
Une arrivée triomphale à Angkor..
Au cours de ce voyage la voiture aura parcouru une bonne partie du chemin, tirée par des hommes, des boeufs et des buffles… Des charrettes chargées de ravitaillement en tout genre suivront (ou précéderont) l’auto, ce qui ne diminue en rien cet exploit. Une partie du retour se fera en bateau pour cause de routes inondées. »