Voisin C15 (ou plutôt C24) Roadster Saliot de 1934

Voisin C15 1934 (5)voici encore un ancien article, sur une Voisin, une C15 (en fait, il s’agirait plutôt d’une C24, d’après Philippe Ladure, président des « Amis de Gabriel Voisin »).

C’est d’ailleurs plus cohérent avec l’année de la voiture… ) de 1934 carrossée en Roadster (par les Ets Saliot) avec une approche à l’exact opposé des idées de Gabriel Voisin… Néanmoins, elle a le mérite d’exister et voici donc un point de vue la concernant (dans les années ’70) par Jean-Loup Nory:

En vertu d’un puritanisme parfois abêtissant, de nombreux fanatiques ne considèrent la voiture ancienne comme digne d’intérêt que lorsqu’elle a été entièrement fabriquée de main de maître. Cette Voisin par exemple, si elle possède un châssis C.15 conçu par Maître Gabriel Voisin, n’en perd pas moins, à leurs yeux, son caractère fabuleux du fait d’une carrosserie anodine, étudiée et réalisée par un obscur carrossier indigne des divagations surréalistes du grand maître du « sans soupapes ». Cette manière de voir les choses rejoint l’esprit contestataire, indépendant et entier de Gabriel Voisin considéré, à tort ou à raison, comme l’émule de Le Corbusier.

Voisin C15 1934 (1)Ingénieur français, Gabriel Voisin commença à mettre en pratique ses idées révolutionnaires dans l’aviation. Puis, venant naturellement à l’automobile, il lui appliqua ses principes avec autant de brio que de réalisme. (Par fidélité à ses premières amours, il appellera ses voitures Avion-Voisin.) Il fut constamment à la pointe du progrès, de l’ingéniosité, et le fervent défenseur des techniques de pointe poussées au paroxysme: tous ses moteurs comprenaient la distribution dite « sans soupapes «, c’est-à-dire à fourreaux mobiles suivant les brevets Knight.

Ses dessins de carrosseries révolutionnèrent également le monde automobile que les spécialistes de l’époque considérèrent démentiels, farfelus, et que les « vieilles barbes enfermées dans des concepts désuets regardaient comme l’oeuvre d’un désaxé.

Donc, ce modèle C15 est une demi-production Voisin; la carrosserie, en effet, fut exécutée par les Etablissements Saliot (Levallois) à la demande d’un particulier peu enclin à goûter les fantaisies de Voisin en matière de carrosserie et désirant une ligne unique et originale. Unique, certes, mais pour l’original, la polémique est ouverte; elle abandonne les formes anguleuses et les surfaces vitrées impressionnantes, chères à Voisin. Alors, pour contenter d’une part les mordus de mécanique Voisin et, d’autre part, les enragés du long capot classique, il faudrait couper la poire en deux en examinant séparément le châssis et la carrosserie; la dilection que portent les uns au châssis, additionnée d’un dégoût prononcé pour une telle carrosserie, n’empêche pas les autres de voir d’un oeil tendre l’eurythmie, de cette voiture unique.

Voisin C15 1934 (7)Les caractéristiques du modèle C.15 révèlent des solutions techniques intéressantes. Outre le moteur sans soupape de 2 litres et demi, 6 cylindres en ligne de 13 CV alimenté par 2 carburateurs Zénith de 26, on trouve pour la transmission une boîte de 2 vitesses avec convertisseur en bout de boîte. Le pilote a donc l’avantage de ne passer que deux vitesses et de bénéficier de 4 rapports. Voisin a dessiné une direction très directe à vis sans fin. Le système de freinage, classique, comporte 4 tambours avec système à câble, assisté par un servo à dépression du type hydrovac. Le démarreur et la dynamo sont groupés dans un boîtier unique qui reçoit le nom de Dynastart. Si l’ensemble suspension-amortisseurs ne présente pas de particularités frappantes, il faut tout de même noter un réglage indépendant des amortisseurs à friction qui s’effectue de l’intérieur de la voiture; deux boutons moletés de bon diamètre placés devant le siège du conducteur lui donnent la possibilité de jouer en marche sur leur dureté, suivant l’état des routes et des chemins ; ils étaient encore nombreux en 1933. 

Voisin C15 1934 (2)L’EPOQUE DES LONGS CAPOTS

Cette voiture caractérise bien en matière de carrosserie le goût d’un certain public pour les longs capots. M. Delecluse qui acheta le châssis en 1933 et commanda la carrosserie désira lui aussi être « up to date ». N’en déplaise aux esthètes, il faut dire que la carrosserie ne manque ni de classe ni d’élégance. Deux petites places en avant du pont arrière font suite à un capot de plus de 2 mètres de long, orné de 16 volets d’aération. Il eut été préférable d’opter pour des ouïes plus fines et inamovibles ; l’ensemble aurait gagné en esthétique. Le bandeau noir qui part de la calandre pour rejoindre le mouvement de l’aile arrière accentue l’impression de longueur que donne la voiture. Si toute latitude fut donnée au carrossier pour créer une voiture originale, il respecta néanmoins le dessin du radiateur sur lequel trône le célèbre bouchon appelé familièrement , « la Cocotte », et représentant deux ailes stylisées. Le pare-brise très bas ne coupe pas ce dessin longiligne et la capote donne à l’arrière un dégradé très doux. L’actuel propriétaire, M. Corre, qui consacra 2 500 heures environ de travail pour la restauration, a respecté la couleur d’origine, le gris métallisé. L’accès aux sièges ne pose pas de problème. Installé, le conducteur remarque instantanément l’exiguïté du champ de vision, exiguïté engendrée par le minuscule pare-brise et le volant aux proportions étonnantes, telles que le pilote découvre la route entre le bas du pare-brise et le haut du volant.

Cet énorme volant avance trop près du siège et gêne les mouvements. On adopte donc la position « coude au corps -. Lorsqu’on lance le moteur, on s’étonne de la douceur de fonctionnement, résultat combiné de la Dynastart et du moteur sans soupape. Ce dernier, modèle de silence, procure une impression de feutré jamais égalée. Rappelons que les premiers moteurs sans soupape conçus par Gabriel Voisin remontent à 1920 avec la 18 CV 4 cylindres de 2 000 cm3 (alésage 76 mm, course 110 mm). Si cette absence du bruit étonne et surprend agréablement, la direction ne déçoit pas; directe, douce et précise, je lui reprocherai tout de même un rayon de braquage important et l’énorme poids du moteur situé très en avant du châssis, reposant près de l’essieu, la durcit lors des manoeuvres de parcage.

Voisin C15 1934 (8)Le moteur C 15 6 cylindres, d’une souplesse et d’une douceur remarquables, n’a d’égal que son silence. Heureusement, car les 2 rapports de la boite sont courts et l’enclenchement de la seconde nécessite une bonne accoutumance du fait de l’éloignement de la première et de l’imprécision de la grille. Malgré tout, la seconde peut reprendre à très faible allure -20 à l’heure- à la suite de quoi le conducteur ne s’en occupe plus puisque le convertisseur fait le reste.

De toute évidence ce moteur de 2,5 litres ne suffit pas à emmener avec vivacité une carrosserie d’un tel poids : 1 800 kg. A l’origine donnée pour 140 km/h, nous n’avons pas voulu dépasser le 100 à l’heure du fait du rodage. D’ailleurs le freinage demande une certaine circonspection. La voiture s’arrête sur des distances qui paraissent de nos jours assez importantes. N’oublions pas que le moteur sans soupape diminue considérablement le frein moteur. Ces deux causes pouvant engendrer de grands effets il convient d’être constamment sur ses gardes. Toujours au chapitre du freinage, notons tout de même l’agrément du servofrein. En matière de tenue de route, la C 15 se comporte encore honorablement et les qualités de la direction facilitent les réactions rapides. En la brusquant quelque peu, la voiture avale les virages à grands rayons sans problèmes, alors que les courbes serrées ne lui conviennent guère, les reprises étant bien trop molles.

Voisin C15 1934 (9)UNE VOITURE DE CONCOURS

On le voit, les qualités routières de cette Voisin ne resplendissent pas par leurs grandeurs; ajoutons à cela une consommation d’essence et surtout d’huile importante (toujours le moteur sans soupape). A l’actif de cette magnifique automobile, de l’élégance racée, une classe de bon aloi qui ferait frémir le mannequin le plus demandé. A l’époque, la mode automobile acceptait n’importe quelle fantaisie pourvu que la beauté des lignes soit préservée. Sur le plan des qualités routières, son silence de félin et sa boîte « semi-automatique » ajoutaient à sa beauté. Le reste n’était que superflu.
Jean-Loup NORY 

Voisin C15 1934 (3) Voisin C15 1934 (4)

FICHE TECHNIQUE MOTEUR: 6 cylindres en ligne. 2 600 cm3. Distribution sans soupape. Deux carburateurs Zénith de 26. Dynamo-démarreur Dynastart.

BOITE DE VITESSES: deux vitesses avant et convertisseur en bout de boîte.

EMBRAYAGE: Monodisque.

DIRECTION: à vis sans fin. FREINS : à tambour, commandés par câble avec servofrein de type Hydrovac à dépression.

SUSPENSION: essieu rigide avec ressorts semi-elliptiques et amortisseurs à friction.

CARROSSERIE: deux places de type roadster.

Cette cette auto qui joue la « star » dans le film Hellé de Roger Vadim (1972) dont voici quelques séquences (avec une approche qui n’est -en rien- celle du cinéphile que je ne suis pas…) :p

voisin c15 1934 (6)La voiture était donc grise à cette époque mais elle a connu une nouvelle restauration (vers 1998) et se retrouve désormais noire, l’intérieur n’est plus rouge mais en peau d’autruche (tant qu’à faire l’extravagance, autant aller jusqu’au bout 🙂 ), les phares ont été changés pour des Marchal, les ailes (marche-pieds) et la capot retouchés.

Il reste un mystère sur cette auto car elle n’a pas de n° de châssis et ce serait plutôt un châssis C24 (la C15 a été fabriquée de 1928 à 1930 alors que celle-ci est de ’34)…

voisin c15 1 Voisin-C15_Saloit_Roadster voisin c15 1934 (10) 

[themoneytizer id= »4805-10″]

2 commentaires sur “Voisin C15 (ou plutôt C24) Roadster Saliot de 1934”

  1. Mon père André CORRE concessionnaire Peugeot à GIEN (Loiret) a restauré cette Voisin aperçue par un de ses vendeurs qui avait vu ce bout de capot immense (2,12 m de la Cocotte de radiateur au parebrise – mesuré par moi-même) dans la grange d’une ferme à la limite de l’Yonne et du Loiret. Après moulte négociation l’épave complète (heureusement) partira pour 1500 Fr de 1969; Pour la remise en état il existait encore dans ces années là des artisans âgés certes mais qui connaissaient ces mécaniques anciennes : le radiateur fut refait chez Rabot à Orléans, le moteur bielle coulée fut refait par les élèves de l’Ecole d’apprentissage des Métiers de l’Automobile d’Orléans -tous fiers de participer à ce sauvetage. La tôlerie, en bon état fut faite à la carrosserie de la concession, et chance il y avait parmi les compagnons un ancien de la Carrosserie Guillon de Gien qui avait fait des autocars et qui savait travailler le hêtre (cintrage, etc) car toute la partie AR du roadster était à refaire. Le sellier fit les sièges et la capote…et ce n’était sans soute pas les restaurations d’aujourd’hui, mais c’était pas mal ! La Voisin fut repeinte en gris métal car elle était ainsi quand elle arriva , avec une flèche foncée sur les flancs (aucune trace d’une autre couleur ne fut trouvée lors de la restauration, ce qui fait dire qu’il y aurait eu 2 roadsters de fabriqués ?) J’ai un photo de la voiture avec son précédent propriétaire (d’après guerre) et elle est bien grise….Le reportage de ce blog est l’article paru dans L’Auto-Journal avec un essai par Serge Bellu je crois, en compagnie de mon père assis à côté de lui;

    1. bonjour,
      merci beaucoup pour vos précisions, j’aime beaucoup votre histoire… 🙂
      Par ailleurs, votre nom a-t-il un rapport avec Corre de « La Licorne »?
      Amicalement
      Jean-Noël

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.