allez, encore une de ces autos incroyables qu’on ne voit, pour ainsi dire, qu’au VRM (Vintage Revival Montlhéry 2019)!
Il s’agit ici de la SUNBEAM 3255 cc « Tourist Trophy » qui remporta la course de l’Isle de Man en 1914…! Rien que ça 🙂
Bien que cette auto soit toute britannique, on peut néanmoins se dire qu’elle a quelques gênes français puisqu’elle « s’inspire » beaucoup des fameuses Peugeot L76 …
Voici une description de ce « racer » par « Christie’s »:
« SUNBEAM TOURIST TROPHY
Année: 1914
Immatriculation No. AJ 2088 (U.K.)
Moteur No. IOM 1
Moteur: 4 cylindres culasse monobloc refroidi par eau, 4 soupapes par cylindres double arbre à cames en tête entraîné par chaîne distribution frontale – Alésage x course: 81,5 mmx 156 mm, 3,255 cm3, 90 chevaux à 3,000 tr/min, allumage par magnéto – Boîte de vitesses: manuelle à 4 rapports et marche arrière, levier de vitesse à main droite, embrayage conique, arbre de transmission à découvert relié par couple conique au pont arrière – Suspensions : lames semi elliptiques avant et arrière, sous l’essieu à l’arrière – Freins : mâchoires expansives à l’arrière commandées par la pédale au pied ou par levier manuel. Conduite à droite.
Carrosserie : compétition deux places, vert anglais, fauteuils noir. ‘C’est un réel bonheur que de conduire une telle voiture – c’est une production éblouissante’ déclara Kenelm Lee Guinness. ‘Dans tous les départements les Sunbeam étaient les pur-sang de chaque événement, de très loin supérieures aux autres’ The Motor
Histoire du modèle
Dire que l’imitation est la plus odieuse forme de flatterie serait un cliché, mais lorsque Louis Coatalen, directeur technique de Sunbeam, acquit en 1913 un coupé Peugeot et le copia jusqu’au moindre détail pour réaliser sa voiture de compétition usine 1914, il n’était intéressé ni par la précision du langage ni par les flatteries des designers de chez Peugeot, mais seulement par le potentiel d’efficacité des Sunbeam qui furent construites.
Avant la grande guerre, la compagnie Sunbeam poursuivit une politique active en compétition sous la houlette de Coatalen. Les voitures sorties des ateliers de Wolverhampton furent nombreuses à remporter des victoires à Brooklands et en 1912 une écurie de Sunbeam 3 litres remporta les trois premières places de la Coupe de l’Auto, terminant également 3e, 4e et 5e du GP de France, concourant dans une catégorie où les Sunbeam étaient opposées à des voitures de cylindrée beaucoup plus importante. Ces résultats furent significatifs, dont cette première victoire sur le continent pour une voiture anglaise depuis 10 ans qui confirma Sunbeam comme le plus important team de compétition.
Les voitures qui remportèrent ces victoires étaient construites sur la base des modèles 12/16 équipées de moteur à soupapes latérales. Des voitures 3 litres similaires mais plus puissantes furent engagées en 1913 à la Coupe de l’Auto et une équipe dotée de 6 cylindres 4? litre disputa le GP cette année là, remportant la 3e place à deux épreuves, résultat qui, bien que louable, ne dépassait pas les succès de 1912. D’autre part, Coatalen fut précurseur en adoptant le moteur à double arbre à cames en tête avec 4 soupapes par cylindre, les mêmes spécifications mécaniques qui propulsèrent Peugeot à la victoire. Peugeot n’avait pas été le premier à construire un tel moteur mais il fut le premier à exploiter complètement son potentiel de puissance maximale développé pour une taille donnée. Beaucoup de choses ont été écrites au sujet de la genèse du moteur à double arbre à cames, mais dans le cas de Peugeot il s’agissait d’un effort de l’équipe avec le trio de pilotes talentueux : Georges Boillot, Paulo Zucarelli et Jules Goux, mais aussi les dessinateurs Ernest Henry et l’ingénieur Vasselot apportant chacun leur contribution. Grâce à cette impulsion individuelle le résultat fut la conception du victorieux moteur de compétition sur lequel la majorité des mécaniques de compétition reposèrent par la suite.
Le moteur Peugeot double arbre à cames stimula non seulement Coatalen mais aussi deux autres constructeurs anglais: Humber et Vauxhall, qui produisirent des voitures pour le Tourist Trophy de 1914 équipées de moteurs de cette architecture, mais aussi Delage, Nagant, Sunbeam et Vauxhall, sachant que Peugeot, l’initiateur, utilisa ces moteurs dans ses voitures de Grand Prix 1914.
Coatalen était un familier de ces mécaniques à soupapes en tête, ayant déjà utilisé un bloc à simple arbre à cames en tête dans ‘Toodles II’, victorieuse à Brooklands en 1911, comme dans la Peugeot Grand Prix de 1912, dont le moteur a été présenté en détails dans la revue The Motor du 2 juillet 1912. Mais il décida que si Sunbeam cherchait à créer l’émulation avec Peugeot la meilleure solution consistait à copier leur design plutôt que de partir d’une feuille blanche. Coatalen fit preuve d’un espionnage industriel tout à fait extraordinaire: il se procura une Peugeot 3 litres de la Coupe de l’Auto, probablement celle, victorieuse, de Georges Boillot, et l’emporta dans sa maison de Wolverhampton, pour la démonter totalement afin d’en détailler tous les dessins. Un témoin de ces événements, A.P. Mitchell, qui travailla au département expérimental et fut le mécanicien compétition de Jean Chassangne, rapporta les détails de cette histoire à William Boddy ainsi qu’à Anthony Heal, l’historien de la marque Sunbeam, dans un entretien pour le magazine Motorsport de novembre 1977.
Les voitures qui en résultèrent, quatre pour le Tourist Trophy, et trois pour le GP, étaient des Peugeot, pour ainsi dire, mais fabriquées à Wolverhampton et portant le nom de la marque Sunbeam. Peugeot semble avoir noté la manœuvre mais lorsqu’il parla du ‘Design de la Sunbeam TT’ dans la revue The Motor du 16 juin 1914, Louis Coatalen ne fit pas la moindre référence au fait qu’il avait bien évidemment copié les idées des autres ! Tous ces faits étaient connus par certains et provoqua quelques observations dans la presse, mais, traité avec la plus grande indifférence cela n’attira jamais la moindre censure.
Les Sunbeam diffèrent en un seul point des Peugeot qui les ont inspirées : au niveau de l’alésage 78 mm x 81,5 mm qui fut augmenté pour prendre l’avantage en se plaçant à la limite des 3,310 cm3, tandis que la course resta la même à 156 mm. Tandis que l’alésage aurait pu être porté à 82 mm, ce qui n’aurait pas dépassé la limité de cylindrée, Coatalen estima que 3.5 mm était le maximum dont il était possible d’augmenter la limite au-delà de laquelle il aurait ensuite fallu redessiner tout le bloc. Différentes données de course x alésage apparurent dans la presse en 1914 (81 x 1600 mm étant les plus fréquentes), ce qui fut répété couramment, mais des autorités telles que Anthony Heal affirment que l’alésage x course des moteurs de 1914 était de 81.5 x 156 mm malgré ce qui se passa plus tard dans l’histoire de ces moteurs. Il est intéressant de noter que les moteurs TT de Humber copièrent également ceux de Peugeot dans les moindres aspects, mis à part le changement de côté de l’admission et de l’échappement. Et malgré un alésage de 82 mm, ils ne rencontrèrent jamais aucun problème, ni alors ni plus tard.
Lorsque les Sunbeam TT firent leur apparition sur l’île de Man et débutèrent les essais, elles devinrent très vite ce que la revue The Autocar nomma ‘les Super favorites’ de l’événement, ayant réalisé le tour le plus rapide. La course dura 2 jours, les 10 et 11 juin, avec, chaque jour, 8 tours du circuit de 37? mile (60 km) soit une distance totale de 600 miles. Bien que Dario Resta abandonna avec sa Sunbeam lors du tour d’ouverture sur casse d’un boulon, à la fin de la première journée Kenelm Lee Guinness plaça sa Sunbeam en tête suivi de son frère, 2e à seulement 3 minutes derrière lui, sur la Sunbeam II. La concurrence la plus sérieuse vint des Minerva à soupapes latérales, système qui fit une contre publicité à la marque parce qu’il sur-lubrifiait la mécanique, créant une fumée excessive et posant même problème en cas de dépassement d’un concurrent. Le deuxième jour, Algy Lee Guinness abandonna sur un problème de joint à l’entraînement de l’hélice de ventilateur causé par un soucis de lubrification, mais KLG (son frère) termina la course en tête avec 20 minutes d’avance sur la 2e voiture : la Minerva de Reicken. Seules six voitures terminèrent sur les 22 au départ avec 3 Minerva aux 2e, 3e et 5e places, remportant le prix par équipe. Kenelm Lee Guinness termina à la vitesse moyenne de 90 km/h. Auteur du tour le plus rapide de l’île de Man à 95 km/h de moyenne, il déclara : ‘C’est un réel plaisir de piloter cette voiture – C’est une merveilleuse production’. La revue Motor rapportait ‘Dans tous les départements, les Sunbeam étaient les pur-sang de chaque événement, de très loin supérieures aux autres. Rien ne pouvait les battre sauf la malchance et pour autant que ce soit possible, ces deux voitures souffraient de ce respect’. Pour finir, Kenelm Lee Guinness triompha et avec lui Sunbeam ; la victoire de Louis Coatalen pour qui la fin justifiait les moyens.
Il a souvent été affirmé que Sunbeam n’avait construit que quatre voitures sur le modèle de Peugeot en 1914, celles qui participèrent au TT, sachant qu’après la course trois de ces châssis furent équipés d’un moteur 4 litres _ pour le GP qui fut disputé le 4 juillet, trois semaines à peine après le TT. Tout ceci semblait probable jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que le châssis des voitures du TT mesurait 2,7 mètres, soit la même longueur que la Peugeot des Coupé de l’Auto, tandis que la longueur des châssis des modèles de GP était de 2,8 mètres. Au GP de Lyon, Mercedes remporta les trois premières places, Goux sur Peugeot termina 4e et Dario Resta, comme pour compenser son abandon au TT, rallia l’arrivée sur sa Sunbeam à la 5e place alors que deux autres voitures de son écurie, menées par Kenelm Lee Guinness et Jean Chassagne, durent abandonner sur problèmes moteur. Un mois après cette course, comme à la suite d’un mauvais présage, la Première Guerre mondiale éclata et la compétition automobile fut suspendue dans toute l’Europe.
Deux des Sunbeam GP participèrent à des courses aux Etats-Unis en 1915 dont les 500 Miles d’Indianapolis. En 1916, deux châssis, sans doute les mêmes, furent équipés d’un bloc moteur 6 cylindres ressemblant fort à celui du TT malgré quelques différences. Ces voitures furent pilotées à différentes occasions avec plus ou moins de résultat et lorsque la course d’Indianapolis fut réduite à 300 miles, Joseph Christiaens termina 4e. Deux Sunbeam furent préparées pour disputer la ‘Victory Sweepstake’ à Indianapolis, équipées de moteurs 6 cylindres installés sur les châssis TT, arrivées aux Etats-Unis elles ne prirent finalement pas le départ. Ce fut le signe indiscutable que les voitures du TT et du GP de 1914 devaient rester désormais au département expérimental de la firme Sunbeam afin de servir de pièces détachées en fonction des besoins. Il a été confirmé que les pièces des voitures du TT demeurèrent à Wolverhampton jusqu’à la fin de la Grande Guerre avant d’être à nouveau assemblées au hasard et revendues.
Cela permet également d’expliquer pourquoi aucune de ces trois voitures ne peut être précisément identifiée, même si les autorités reconnaissent qu’il s’agit bien d’authentiques voitures du TT et si elles ne sont pas aujourd’hui totalement identiques à leur fabrication de 1914. Il est probablement inutile de chercher à savoir exactement laquelle est laquelle, sachant qu’aucune ne peut être dans son intégralité la voiture qui remporta le TT, mais que chacune contient des éléments de celle-ci. Le véritable problème vient de la complète indifférence de Coatalen une fois que son objectif fut atteint.
Après la guerre, les premières traces d’une Sunbeam TT furent enregistrées en 1921, le 16 mai, au Liverpool Speed Trial’ où l’une d’elles remporta la victoire, conduite par L.V. Cozens. Quelques semaines plus tard, H.O.D Segrave établit le second meilleur temps, le 4 juin, à la course de côte de Holme Moss.
Il semble qu’en 1923 une voiture équipée du moteur no 2 fut acquise auprès de l’usine par Bill Hamilton, un fermier néo-zélandais de passage en Angleterre. La voiture rentra chez lui par bateau et fut très souvent pilotée, établissant notamment le record en Australie des 5 Miles à 100,27 mph (160 km/h). Elle subit par la suite un terrible outrage : son châssis fut découpé. Mais la voiture a par la suite été restaurée et appartient maintenant à une collection privée en Angleterre. Une autre voiture équipée du moteur n°3 fut sauvée des griffes d’un collectionneur, comme en atteste Anthony Heal dans la revue Motorsport de septembre 1940. Elle fut restaurée par le collectionneur C.R. Abbott avant d’être précieusement entretenue par Stanley Sears qui participa avec son fils Jack à de nombreuses compétitions. Aujourd’hui, cette voiture est également dans une collection anglaise privée.
Moins d’une centaine de voitures de compétition pré 1918 ont survécu et sont recensées dans le monde entier et seules huit d’entre elles possèdent une mécanique double arbre conçue par Henry. Deux d’entre elles sont des Peugeot, une 3 litres de 1913 et une voiture de GP de 1914; elles résident aux Etats-Unis. Il existe une Delage GP de 1914 en Australie, une Humber TT ainsi qu’une Sunbeam 6 cylindres Indianapolis en Angleterre et les trois TT Sunbeam. Les moteurs de ces voitures sont non seulement des pièces maîtresses mais constituent également un spectacle fascinant. De plus, ils peuvent être encore utilisés pour propulser avec la plus grande efficacité les voitures dans lesquelles ils sont installés, comme ils avaient été conçus pour le faire.
Grâce à son rapport direct avec le premier moteur de compétition à double arbre à cames, cette mécanique représente le sommet de la technologie de compétition en 1914 et cette Sunbeam TT est de ce fait une voiture unique et capitale. Qu’elle fut une voiture victorieuse est également un plus.
Histoire de la voiture
La voiture ici proposée à la vente possède le moteur n°IOM1 et fut la première réputée comme possédant une identité en catégorie ‘Vétérans’ dans la revue Motorsport de novembre 1930 lorsqu’elle appartenait à M.B. Dunwell. On voit sur les illustrations de l’époque que la voiture était équipée d’une carrosserie artisanale quatre places et par la suite d’un radiateur Sunbeam ce qui ne rend pas ses origines immédiatement décelables. Les proportions de la voiture suggèrent qu’elle devait alors posséder un châssis rallongé pour recevoir cette carrosserie de tourisme.
En 1949, la voiture fut acquise par Sir Francis Samuelson qui fit déposer la carrosserie touring, probablement raccourcir le châssis et installer une nouvelle création de la carrosserie TT. Il engagea la voiture dans des épreuves du VSCC pendant des années.
La voiture fut acquise dans cet état par la famille du propriétaire actuel dans les années 1980.
Etat
Lorsque le propriétaire actuel acquit la voiture, il la fit restaurer avec méthode. Elle est accompagnée d’une note du restaurateur de la marque. Chaque détail fut pris en compte, avec la volonté permanente de rendre conforme chaque élément de la Sunbeam TT à son origine compétition et ce dans chaque partie cosmétique.
Notons ici, comme cela a été décrit ci-dessus, qu’une Sunbeam TT n’était pas un clone parfait de la concurrente Peugeot. De ce fait, elle ne possède aucun composant en commun avec d’autres Sunbeam produites à cette époque et il est donc assez aisé de confirmer son originalité. Pour cette raison, à la suite des recherches du comité du Veteran Car Club concernant des comparaisons avec les autres exemplaires existants, il a été certifié qu’il s’agissait bien d’une TT modèle de 1914.
Si l’on remonte le fil de ses propriétaires depuis 1930, cette Sunbeam possède une histoire complète et connue. Son châssis est maintenant à la bonne cote, identique à celles des voitures du TT, bien qu’il ne soit pas estampillé ou désigné comme tel à l’époque de sa restauration dans les années 1980. Le moteur est distinctement numéroté IOM 1, et le numéro 1 est frappé à différents endroits du moteur, sur des carters, etc. Les ponts arrière et avant possèdent les composants corrects des Sunbeam TT. La boîte de vitesses n’est pas numérotée, comme sur les autres survivantes, mais elle est bien du bon modèle. En plus de tout cela, quelques pièces de la voiture sont estampillées du sceau IOM, des bras de suspension avant au levier de frein à main. D’autre part, la voiture est équipée d’amortisseurs Houdaille comme sans doute à l’origine.
Le cockpit spartiate de la voiture est équipé d’instruments rudimentaires : jauge et pompe de pression d’essence, compte tours Elliot typique de cette époque. Une petite trousse à outils côté passager et un compartiment sous le poste conducteur sont les seules espaces de stockage.
Bien que n’ayant pas été utilisée depuis des années, la voiture, redémarrée par Tony Fabian, est maintenant prête à partir. Au niveau cosmétique, sa peinture et ses garnitures attestent de son faible usage.
En mai de cette année, 90 ans après la si forte impression faite par les Sunbeam sur l’île de Man au Tourist Trophy, des spécialistes de la maison Christie’s ont fait revenir la voiture sur l’île à l’occasion des célébrations du centenaire de Motorsport. Après ce tour de 51 miles, la voiture a prouvé qu’elle était formidable et totalement fiable, le fait que le rapport le plus élevé fut seulement utilisé une fois, donne une idée du potentiel de cette voiture de course. Comme le catalogueur en témoigne en considérant ses performances, il est difficile de croire à l’âge de la voiture.
Il s’agit d’une fabuleuse voiture qu’il est rare de pouvoir acquérir compte tenu de son statut historique totalement exceptionnel et d’une incroyable avance technologique pour son époque. «
Les photos qui ne sont pas les mienens ont été trouvées ici: https://www.imuseum.im ou sur Motor Sport Magazine ou sur le net (Alamy, etc…)… Si vous avez des photos du moteur et que vous êtes ok pour me les transmettre, je serais heureux de les utiliser pour compléter cet article. 😉