Voici une marque que l’on ne croise pas tous les jours, vue lors du salon de Reims (2018):
une MOTOBLOC.
Cette voiture rare et de haute qualité est une Motobloc Type N, 16 CV (ou 12 Cv, j’ai un doute) de 1908, son moteur fait 2,8 litres.
La marque Motobloc a été créée par Charles Schaudel en 1902 à Bordeaux (il avait déjà construit une voiturette dès 1897). Il s’associera avec son neveu, l’ingénieur Emile Dombret. La particularité de ces autos, outre leur haute qualité de fabrication, est que c’était un même carter transversal et rigide qui renfermait le moteur, l’embrayage et la boite de vitesse. Après le départ de C. Schaudel, E. Dombret crée un moteur 4 cylindres à 2 blocs de 2 cylindres et, surtout, avec le volant-moteur monté entre ces 2 « biblocs » pour optimiser l’équilibrage. L’adjonction du carter unique et du volant moteur centré permettra une grande fiabilité et une absence de vibration aux moteurs, à tel point que le slogan sera: les Motobloc sont « destinés à ceux qui veulent ignorer le mécanicien »!
La marque participera au fameux Paris-Madrid (qui s’arrêtera à Bordeaux) en 1903, aux Grands Prix de l’ACF de 1907 et 1908 et, entre autres, à « la traversée des Etats-Unis d’Amérique d’Est en Ouest ». Sans démériter, elle ne brillera pas vraiment en compétition mais cela ne nuira pas à son succès commercial!
Souvent, les marques régionales se contentent d’un marché régional mais ce ne sera pas le cas ici puisque les Motobloc se vendront en Amérique du Sud, en Angleterre, en Belgique, etc… et celle présentée ici a été carrossée en Lorraine (son 1er propriétaire était-il de la région?) puisque ce double Phaeton vient de « La Carrosserie de l’Est à Nancy ».
Après la première guerre, la marque n’arrivera pas à se relancer et survivra, grâce à ses utilitaires, jusqu’en 1933.
Merci à son propriétaire de nous l’avoir présentée et pour son accueil… 🙂
Voici, par ailleurs, un article de présentation de la gamme Motobloc, la « marque aux croissants » (logo qui reprend l’emblème de sa ville, Bordeaux) paru dans Omnia de janvier 1913 (site Gallica de la BNF):
LES VOITURES MOTOBLOC
Si M. Emile Dombret n’était pas un modeste – la modestie est une petite fleur qu’on rencontre rarement au creux des boutonnières dans notre monde industriel, – il trouverait dans les événements de quoi exprimer quelque fierté. La réunion des trois éléments moteur, embrayage et boite de vitesses en un seul bloc, le Motobloc dont il a fait dès 1905 à la fois sa spécialité et le nom de sa maison, est la solution triomphante de 1913 pour plusieurs de nos maisons les plus réputées. L’ingénieur ainsi a parfois des jouissances d’artiste à confondre ses détracteurs.
Cette première constatation nous prouve que M. Emile Dombret est un esprit original. On a donc toujours grand plaisir à examiner ses conceptions. Et, comme il est fort courtois, on peut même les discuter avec lui, – jusqu’à ce que l’avenir vous donne tort ! Nous verrons qu’à son bloc-moteur, M. Dombret a ajouté un dispositif qu’il juge tout à fait important pour l’équilibrage, le volant central, le volant situé non plus au bout du vilebrequin, mais au milieu, entre les deux masses symétriques d’organes.
Enfin à ces qualités précieuses M. Dombret joint le mérite d’être, depuis l’origine, l’infatigable cerveau de sa maison. Tel homme, telle maison. Jamais vérité populaire ne fut mieux appliquée à un cas. Aussi bien, en faisant l’éloge de M. Emile Dombret trop modeste, ai-je fait du même coup l’éloge des voitures Motobloc trop peu connues.
Les avantages du bloc-moteur, nous les avons tous en mémoire. Je n’en rappellerai qu’un seul, l’amélioration du rendement mécanique, puisque c’est lui qui principalement séduisit le jeune ingénieur de Bordeaux, il y a bientôt dix ans déjà!
Au début, les critiques des concurrents portèrent avant tout sur la solidité. On ne pouvait admettre qu’une masse d’aluminium aussi allongée qu’un carter de Motobloc peut demeurer insensible aux déformations. Or aujourd’hui de bons constructeurs admettent que le bloc-moteur, non seulement ne craint rien des déformations du châssis, mais est un soutien, une consolidation pour ce châssis, une assurance contre ses déformations!
Puis on a reproché au bloc-moteur de rendre inaccessibles la boite de vitesses et l’embrayage ; et, parmi les protestataires, on trouvait les constructeurs de certains châssis où l’embrayage ne pouvait être retiré du ventre de la machine qu’après démontage de la boite de vitesses et même – car on l’a vu ! – de l’essieu arrière ! Or aujourd’hui, dans une Motobloc, le changement de vitesses et l’embrayage s’extraient du châssis par l’arrière, grâce à la culasse rapportée qui ferme le bloc!
Il est délectable pour un chercheur d’avoir ainsi, en 1905, réalisé la formule que ses détracteurs ne se sont octroyée qu’en 1913.
Passons à la seconde caractéristique des moteurs Motobloc: le volant, au lieu de se trouver en bout du vilebrequin, en porte à faux évident par conséquent si l’on considère le moteur isolé, est à cheval sur le milieu de ce vilebrequin. M. Emile Dombret, père du volant central, présente de la façon suivante son enfant :
« Le volant central, dit-il, est non seulement le complément, mais encore la principale raison d’être du bloc-moteur. Sans lui, pas de bloc-moteur équilibré, ni facilement démontable ; pas de rendements élevés avec de faibles consommations; pas de reprises souples et rapides sans truquage préjudiciable à la durée du moteur et de la voiture.
« Les plus dangereuses vibrations pour le rendement, la durée et le confort naissent du fouettement du vilebrequin. Avec le volant central, placé au centre même des efforts et soutenu entre deux paliers, l’entrainement est doux et régulier à toutes les allures, à n’importe quel régime, à n’importe quel instant du fonctionnement du moteur; sur les différentes combinaisons de vitesses, il ne peut se rencontrer de vibrations. L’expérience le prouve péremptoirement. »
L’expérience a, sur la discussion la plus judicieuse, une supériorité écrasante elle juge sans appel et sans se soucier des pourquoi et des comment ! Or il est certain que M. Dombret a dans son jeu, l’expérience avérée: ses quatre cylindres ont, à toutes les vitesses, une allure de dynamos, et ses six cylindres possèdent la qualité qui, presque toujours, hormis chez quelques réputés spécialistes, leur fait le plus tristement défaut, la gaité!
Un six cylindres Motobloc est a la fois pétillant et doux de 150 à 1800 tours à la minute, tout le long de l’échelle des vitesses ! Le succès des six-cylindres 80 x 120 et 80 x 148, les 16 et 20 chevaux, s’affirme pour cette raison de plus en plus.
Mais on aurait cependant tort d’attribuer au volant central tout le mérite de l’excellent rendement de ces voitures. Leur franchise à la reprise provient certainement de l’étude très poussée des chambres de compression; de la position des soupapes l’une au-dessus de l’autre, avec bougie au centre de la culasse; de l’excellence du carburateur, dans lequel un boisseau règle à la fois l’entrée de l’air et la consommation de gaz; et de la sûreté du graissage, qui est établi par une pompe déversant l’huile sur les paliers et les têtes de bielles.
Passons à la boite de vitesses. Les combinaisons y sont (sauf pour le 10 chevaux) au nombre de quatre pour la marche en avant. L’arbre secondaire est placé au-dessous de l’arbre primaire et demeure ainsi noyé dans l’huile. Quant au levier qui commande les baladeurs, il est installe sur la boite elle-même, l’intérieur du châssis par conséquent, tandis que le levier de frein est fixe au longeron même, en dehors du châssis.
Le pont arrière nous offre l’exemple d’un montage très en faveur cette année. Deux trompettes embouties, accolées par leur pavillon élargi, forment à la fois essieu et carter de différentiel, en n’exigeant qu’un seul joint et de grande surface. C’est léger, solide, étanche et élégant..
Les freins ont fait l’objet de recherches minutieuses afin que leur grande puissance fût tempérée par leur douceur. Le frein de mécanisme est à mâchoires. Il fonctionne par l’action de deux rampes que le mouvement de rotation tend à faire écarter; une vis, pourvue de quatre manettes très préhensibles, permet au conducteur de modifier le calage initial des rampes, autrement dit de rattraper le jeu d’usure.
Les freins sur moyeux sont commandés par un palonnier fixe au pont arrière. A noter que l’ axe de renvoi de frein n’ est autre que celui auquel vient s’attacher la chandelle verticale de la bielle de réaction. La suspension est donc rigoureusement indifférente au freinage.
Enfin la caractéristique immuable des produits qui sortent des usines Motobloc est l’unité. Tous les points que je viens de citer se retrouvent sur tous les châssis de cette firme, aussi bien sur le 12 chevaux 80 x 120, qui se fait en 4 longueurs différentes, que sur le 12 chevaux spécial 80 x 148, et que le 16 et le 20, tous deux six cylindres.
En outre des voitures de tourisme, Motobloc construit des camions qui rencontrent un vif succès dans les milieux industriels et militaires. L’un d’eux, le 16, établi pour porter 2 500 kilos, a été primé au dernier concours de l’Armée. Le ministre de la Guerre vient de commander plusieurs châssis de ce type pour les ravitaillements de l’aéronautique. C’est la consécration officielle de la marque, son certificat « national », en quelque sorte sa décoration.
L. BAUDRY DE SAUNIER.
Bonjour, il semble que ce soit une Motobloc modèle Type N 12ch de 1907. Merci pour votre intérêt. C. Brouzes
bonjour,
merci pour votre message 😉
(j’avais effectivement un doute car son propriétaire m’a dit que c’était une 12 Cv et que c’était la même que celle du Musée de Vendée (qui est présentée sur la fiche qui illustre l’article comme étant une 16 cv). L’erreur viendrait de cette fiche, comme je le suppose?
Toujours est-il que cette rare auto est passionnante…!
😉