voici un article, paru dans « Motor Sport » de mars 1949 dans la rubrique « Sideslips by Baladeur » et dédié au grand Marius Barbarou, ingénieur qui brilla notamment chez Lorraine Dietrich en créant les plus prestigieux moteurs d’avion et, bien sûr, les automobiles B 3-6, 15 CV…!
Merci d’être indulgents sur la traduction, je l’ai faite depuis un texte en anglais, langue que je ne maîtrise pas suffisamment, je m’en suis bien rendu compte… (et je rends hommage aux traducteurs, c’est un vrai métier…!) 😉
Voici donc:
Le nom de Marius Barbarou n’est, semble-t-il, pas aussi connu dans ce pays qu’il le mérite. A tel point que, lorsque les commentateurs anglais ont l’occasion de le mentionner, ils semblent invariablement épeler Barbaroux; mais je suis convaincu que le ‘x’ est de trop. Son seul nom chrétien est suffisant pour l’étiqueter « du Sud », et je crois que je peux tenir, en soutien philologique, la thèse selon laquelle le « -ou » est tout à fait dans le langage provençal. En fait, il est né à Moissac qui, je suppose, est vraiment en Guyenne, où ils étaient spécialisés dans les raisins blancs, l’alose et croyez-le ou non, les lamproies. Mais là n’est pas le propos.
En tout cas, pour ce qui nous concerne, en 1900, alors que Marius Barbarou avait 24 ans, il y a eu une Exposition à Paris; et, au grand dam de la jeune industrie française, l’automobile n’a pas fait beaucoup d’éclats dans cette exposition à proprement parler, ils en avaient juste mis quelques unes dans une annexe.
« Il y avait des voitures dans l’annexe à Vincennes » enregistre Pierre Souvestre, un peu amer, « mais personne ne le sut, puisque personne ne se rendit à Vincennes. » Toutefois, si certains y étaient allés, ils auraient probablement vu, entre autres, une petite voiture conçue et construite par Barbarou, équipée d’un moteur en V, pour une marque allemande, qui est devant moi semble appeler « mechanically steered suck-ventillators » (des ventilateurs d’aspiration à entrainement mécanique) en anglais pour ce qui est, bien sûr, à commande mécanique des soupapes d’ admission. S’il y avait eu un plus grand nombre de visiteurs, ils auraient mis plus de détails sur la voiture de Barbarou; le contingent anglais aurait même appris comment épeler le nom de son constructeur.
Mais si le public était absent, le commerce était sans doute là, et parmi ses figures les plus dynamiques à cette époque était Adolphe Clément. Clément avait commencé comme coureur cycliste, avait poursuivi en construisant les machines sur lesquelles il courait, puis, en 1894, avait vendu son entreprise de bicyclette, alors très florissante, à un syndicat dirigé par Harvey du Cros. Une fois sorti de cette affaire, il a tourné son attention vers les voitures, et, selon H. O. Duncan, s’est donné des moyens remarquables pour créer une industrie en pleine croissance, jusqu’à l’ achat du terrain qu’il vendrait tôt ou tard à MM. Panhard et Levassor pour leur propre expansion. Tout s’est passé selon son plan; Clément a vendu le terrain à Panhard et Levassor contre une prise d’intérêts dans l’entreprise, et, quand Emile Levassor est mort en 1897, Clément, en tant que l’un des principaux actionnaires, a été nommé directeur de la Société Anonyme des Anciens Etablissements Panhard et Levassor.
Ceci, cependant, ne satisfaisait pas l’énergique Clément; et, emmenant avec lui le Commandant Krebs, qui était le directeur général de Panhard et Levassor, il partit se lancer dans la fabrication de voitures dans sa propre usine à Mézières. Le seul petit hic dans ce plan était que, comme d’autres, il avait vendu son nom avec l’entreprise de vélos. Il ne pouvait donc pas, semblait-il, appeler ses voitures juste « Clément ». Mais dans ce cas, comment l’ appeler? Une statue de Bayard à l’extérieur de l’usine fournit apparemment la réponse. La voiture devrait être appelé Bayard; ou, plus précisément, et pour être plus rassurant, Clément-Bayard; ou même, juste pour être plus compliqué, Bayard-Clément. Comme pour les modèles étrangers, quand ils arrivèrent, ils ont été appelés Diatto-Clément à Turin et Clément-Talbot à Kensington.
Dans l’intervalle, à l’automne 1900, Clément rencontra Barbarou, vraisemblablement à Vincennes, et Barbarou a été récompensé pour son entreprise sur voiturette en étant invité à rejoindre une « party » à Mézières, qui, depuis, a déménagé à Levallois.
Les fonctions exactes de Barbarou ne sont pas tout à fait claires, mais il semble qu’elles n’aient aucun lien avec « les systèmes de soupapes d’admission actionnés mécaniquement ». Commandant Krebs était un expert en carburateurs, et longtemps après, il était encore convaincu que des soupapes d’admission automatiques, avec son carburateur, étaient aussi efficaces que celles actionnés mécaniquement avec un autre.
Ni lui, ni Clément n’avaient coupé leur liens avec Panhard et Levassor, et, en effet, il est encore un peu douteux que leur voitures soient totalement de leur propre conception. « La Société Clément », dit un rapport du salon de l’automobile de Paris de Janvier 1901, « a exposé trois de leurs « voiturettes » de type Panhard, l’une d’elles étant un véhicule très élégant sous la forme d’un double-phaéton, mais il n’y a aucune différence mécanique qui ait attiré l’attention. . . »
Pour l’exposition suivante, en Décembre 1901, il y avait quand même quelque chose de plus à dire sur leurs produits. « La Société des Cycles Clément », comme elle a été enregistrée, « a présenté un nouveau type de voiture légère, dans lequel ils aspirent à la plus grande simplicité possible, dans la mesure où toutes les parties qui ne sont pas essentielles à l’efficacité du mécanisme ont été supprimées, laissant ainsi un moteur, un « train d’engrenages de balladeur », et un « arbre articulé » universel ». Je suis heureux que le « train d’engrenages de balladeur » ait été considéré comme essentiel, d’autant plus que des « détails » comme les freins et la direction, par exemple, ont disparu de cette description, une sorte d’économie qui peut avoir poussé le journaliste à ajouter que « le véhicule a une apparence très soignée », comme si ce n’était pas d’une grande utilité.
Que Barbarou ait contribué ou non à la conception de cet avant-gardiste « volkswagen », il allait désormais devenir pilote de course, à l’occasion de la course Paris-Berlin, où lui et Domptet prennent le départ avec une «12-HP Clément à carrosserie légère». Barbarou apparaît, à cette occasion, sous le nom de « Barbereau », ce qui suffit à causer définitivement la confusion avec le réel Barbereau, qui, lui, conduisait un steamer à vapeur Serpollet, pour ne pas mentionner le fait que l’on est parti sur une fausse piste, car la voiture 5-h.p. Barbereau-Bergeon, qui pesait 1,280 kgMS., a terminé bonne dernière, entraînée par Bergeon lors de la course Marseille-Nice en 1898.
Bien que Barbarou ait terminé la première étape, de Paris à Aix-la-Chapelle, presque dernier, Domptet, lui, n’a pas fini du tout; du coup, Barbarou n’a pas participé à la course du lendemain, d’Aix-la-Chapelle à Hanovre, et c’en fut la fin des « carrosseries légères Clément », tout comme au Paris-Berlin.
Quoi qu’il en soit, ils sont retournés à l’attaque l’année suivante, pour le Circuit du Nord, mais cette fois, alors que Domptet et Tart prennent le volant d’une Voitures Légères 16 HP, Barbarou et Vonlatum prennent le départ à bord d’une « voiturette » 10 HP. Et, assez curieusement, c’est Barbarou qui fut le plus rapide de l’équipe. De Paris à Arras, le 1er jour, avec sa voiturette 10 HP, il met 7 heures, 7 min. 25 sec., alors que Vonlatum met plus de 12 heures, Domptet ne finit même pas, et Tart dans l’autre 16 HP met 8 heures. 6 min. 28 sec. Vonlatum ne dépasse pas Arras, et même si Tart fait mieux sur le retour, Barbarou le bat de cinq minutes et finit quatrième dans la catégorie voiturette, derrière les trois Renault victorieuses, et les 4 premières voitures légères. Quoi qu’il en soit, j’ai le sentiment que le « racer » 10 HP de Barbarou, avec sa moyenne de 3 0 m.p.h. sur plus de 500 miles, doit avoir eu quelque chose de plus qu’un « motor, a train balladeur gear » (un pignon d’entrainement baladeur) et « a universal jointed shaft » (un arbre entraîné par cardan). »
Au moment de Paris-Vienne, un mois plus tard, la voiture légère de Clément était passée à 20 HP, ce qui semble un peu généreux en comparaison aux autres concurrents. Les soupapes d’admission étaient toujours automatiques, tandis que l’alésage et la course étaient de 75 par 110 mm, ce qui donne une capacité de moins de 2 litres. En comparaison, le moteur « 16 HP » contemporain de Panhard et Levassor avait des dimensions de 100 par 130 mm, et était donc volumétriquement plus de deux fois plus grand. Pour autant, les performances de la Clément étaient très honorables. Une demi-douzaine d’entre elles étaient au départ, conduites par Barbarou, Tart, Domptet, Vonlatum, Contiot et Weigel, qui était l’agent anglais de la marque. Domptet, comme d’habitude, bute dès la première étape, mais tous les autres finissent, Tart étant sixième de sa classe, Barbarou neuvième et Weigel douzième, bien que ce dernier ait des mots très dures à dire, en aparté, sur la folie criminelle de ceux qui l’avaient amené à faire face aux terreurs du voyage sur l’Arlberg.
Il en avait, peut-être, assez de ces courses, à tel point qu’il n’apparaît pas à la dernière course de la saison, le Circuit des Ardennes en Belgique. Barbarou et Tart, eux, étaient bien présents avec leur Voiture Légère de 20 HP et Vonlatum avec une Voiturette, qui d’appelle désormais 12 HP, et qui pourrait bien avoir été équipée du même moteur que la «Carrosserie Légère » de 1901. En tout cas, il a eu un grand succès, et a terminé deuxième de sa catégorie; tandis que Tart et Barbarou, moins spectaculaires, finissent huitième et neuvième dans la leur.
Quelque part dans l’ouest de l’Allemagne, Barbarou avait été contraint d’abandonner dans la course Paris-Berlin, et je ne sais dans quelle mesure ceci a un lien, ou pas, avec la prochaine étape dans sa carrière….
A suivre (ou plutôt, to be continued)…