LES MOTEURS SANS SOUPAPES

Voici un article ,extrait de La Vie Au Grand Air de décembre 1910, intéressant qui reprend les avantages et les inconvénients des moteurs avec ou sans soupapes en 1910! (merci au site Gallica de la BnF)

L’article rappelle que Knight a déposé son brevet dès 1905.

Panhard, qui utilisera beaucoup la technologie « sans soupapes » est déjà cité mais, évidemment, pas Avions Voisin, la marque automobile n’existant pas encore à cette époque…

C’est parti pour les révisions… 🙂

Le Salon remettant sur le tapis la brûlante question des moteurs sans soupapes, notre collaborateur montre les avantages et les inconvénients de chacun des deux systèmes. – Au lecteur de conclure…

Nous avons parlé l’année dernière, à propos du Salon Anglais de l’Olympia, des moteurs sans soupapes.

Il ne nous paraît pas inutile d’y revenir aujourd’hui : le Salon du Grand Palais en renferme plusieurs, et la question est plus que jamais à l’ordre du jour.

Afin de considérer le problème d’une façon à la fois éclairée et impartiale, il convient d’examiner d’abord quels sont les avantages et les inconvénients de chacun des deux systèmes.

Moteurs à soupapes.

Que reproche-t-on au bon vieux  moteur à soupapes, qui a fait ses preuves depuis si longtemps (dix ans représentent un très long temps, quand il est question de locomotion mécanique).

Deux genres principaux de griefs : les uns, d’ordre… esthétique, les autres, d’ordre purement mécanique.

Au point de vue élégance, il est hors de doute qu’un moteur muni de soupapes est quelque peu bruyant,

D’où vient ce bruit ?

De plusieurs causes, que nous allons rencontrer successivement en suivant dans son fonctionnement, la distribution de ses organes.

Tout d’abord, en partant du moteur, nous rencontrons les engrenages de l’arbre à cames qui produisent le ronflement bien connu. Les dents des pignons sont (et doivent être) un peu plus étroites que les entre-dents, sous peine de ne pouvoir y pénétrer.

Chaque fois donc qu’il y aura variation d’effort (et par conséquent de vitesse) dans l’arbre à cames, il va se produire des chocs entre les dents des pignons en prise. Et cet effort varie bien souvent.

Prenons, par exemple, un quatre-cylindres dont les huit soupapes sont commandées par le même arbre. Quand le poussoir d’une soupape est attaqué par sa came, il y a ralentissement de l’arbre à cames : premier choc. – Quand, au contraire, la soupape retombe sur son siège, l’arbre à cames reprend de la vitesse ; deuxième choc: au total, seize chocs par tour de l’arbre à cames, huit par tour de l’arbre moteur. Ces chocs auront d’autant plus d’importance que le jeu des pignons sera plus grand, ce qui arrivera avec l’usure.

De plus, à chaque attaque de la soupape, il y a choc entre sa queue et le poussoir, choc inévitable, puisque le jeu entre ces deux organes est inévitable. Encore un choc, et par conséquent un bruit, quand la soupape retombe sur son siège sous l’énergique action de son ressort. Ce sont ces chocs qui produisent le cliquetis du moteur, qu’on entend fort bien et fort distinctement, surtout quand, le moteur marchant au ralenti, l’échappement ne vient plus dominer les autres bruits.

Que peut-on faire pour atténuer les chocs des soupapes? Supprimer d’abord le choc des cames sur les poussoirs en munissant ces derniers de ressorts qui maintiennent le contact permanent: dans tous les moteurs soignés, ce dispositif existe.

On ne peut pas supprimer, ni même diminuer trop le jeu entre le poussoir et la soupape; il est indispensable, en effet, pour que le laminage des gaz ne soit pas trop important, que la soupape se lève le plus brusquement possible, et que, par conséquent, le poussoir ait une vitesse assez grande au moment de l’attaque.

Rien, donc, ou tout au moins pas grand chose à faire de ce côté.

Encore moins peut-on atténuer l’importance du choc de la soupape qui retombe sur son siège.

On ne peut que réduire sa levée, ou diminuer la force du ressort de rappel, ce qui, comme on va le voir tout à l’heure, n’est pas sans inconvénient.

Autre inconvénient esthétique; la présence des queues et des ressorts de soupapes complique l’aspect général du moteur. Les constructeurs dissimulent d’ailleurs maintenant cette partie dans un carter, et l’objection tombe d’elle-même.

Passons maintenant au côté mécanique.

La principale raison de l’infériorité des soupapes est que leur commande n’est pas desmodromique.

Que veut dire ce mot barbare ?

L’étymologie nous apprend qu’il vient des mots grecs desmos, qui signifie liaison, et dromos qui veut dire course.

La course des soupapes n’est pas liée d’une façon permanente au mouvement du moteur. Pendant la levée, c’est bien le moteur qui ouvre la soupape, mais il abandonne à son ressort le soin de la refermer.

Quelle que soit donc la vitesse du moteur, (à partir d’une certaine valeur au-dessous de laquelle la soupape suit le tracé de la course), la soupape mettra le même temps pour retomber sur son siège. Ce temps sera déterminé par la masse du clapet et la hauteur de la levée d’une part, et la force du ressort d’autre part. Il peut donc arriver qu’aux très vives allures du moteur, si en faveur avec les petits alésages d’aujourd’hui, la soupape ferme trop tard; d’où, perte de puissance. Et cela sera d’autant plus à craindre que la soupape sera plus lourde, et sa course plus longue.

Impossibilité, par conséquent, d’obtenir une grande ouverture pour le passage des gaz, à moins de doubler le nombre des soupapes, ce qui ne laisse pas que de compliquer pas mal le moteur.

Les gaz vont donc être laminés dans ces étroites ouvertures. De l’énergie sera dépensée en frottements, énergie irrécupérable. Le rendement ne sera donc pas ce qu’il devrait être.

Après les inconvénients, les avantages: grande accessibilité, facilité de remplacement en cas d’avarie, économie de construction… Tous avantages incontestables et incontestés.

Les moteurs sans soupapes.

Dans les moteurs sans soupapes, quels qu’ils soient, la commande de distribution est desmodromique. Ce mot magique dit tout.

Il dit notamment que la distribution sera rigoureusement la même à tous les régimes; que le poids des pièces en mouvement et l’amplitude de ce mouvement n’ont plus la même importance et peuvent croître dans de très larges limites.

Au point de vue esthétique, par conséquent, disparition complète de tous les chocs.

D’autant plus complète que l’on supprime les pignons droits pour la commande de la distribution.

Ce que l’on fait aussi d’ailleurs, pour les moteurs à soupapes. On les remplace, soit par des pignons hélicoïdaux, soit par des chaînes comme dans les « Knight ».

Notons en passant que cette transmission par chaînes a tellement séduit certains constructeurs, qu’ils construisent des boîtes de vitesses à chaînes (l’un d’eux était exposé au Stand « Ariès »).

Enfin, aspect simple et propre du moteur, suppression de tout entretien et de toute projection d’huile.

Au point de vue mécanique, le rendement y trouve son compte, d’abord par la constance du réglage de la distribution, et encore et surtout par la possibilité de donner aux gaz des issues aussi grandes qu’on le veut.

Par contre, la construction d’un moteur sans soupapes est plus difficile, par conséquent plus chère, que celle d’un moteur à soupapes. Le graissage doit être l’objet d’une étude toute spéciale.

La simplicité extérieure se rachète par une complication intérieure plus grande: il est aisé de voir, en effet, qu’un seul fourreau ou tiroir, mû par excentrique, ne peut effectuer la distribution d’un moteur à 4 temps. Il faut, soit deux tiroirs distincts, comme dans le « Knight », le « Berliet », etc., ou une commande cinématique spéciale, comme « Rolland-Pilain » l’ont réalisée, remarquablement d’ailleurs.

Enfin, le moindre accident immobilise le moteur et exige le renvoi à l’usine. Ces accidents sont d’ailleurs très rares, mais les esprits timorés ne sont pas sans sans les redouter.

Une des grosses objections qu’on a faites au moteur sans soupapes est celle de sa fragilité. Le « valveless » durerait-il aussi longtemps que nos vieux moteurs à clapets ? En verra-t-on tourner à sa dixième ou quinzième année d’âge comme on peut voir de vieux Phénix ou d’antiques de Dion ? C’est une question à laquelle on ne pourra répondre que dans huit ou dix ans. Mais, ce qui est certain, c’est que le Knight a emporté en Angleterre la Coupe Dewar. Cette Coupe, on s’en souvient, consiste en une épreuve de 130 heures consécutives au banc, à la suite de laquelle, remonté sur un châssis, le moteur doit encore parcourir des milliers de kilomètres sur la route, sous un capot plombé. C’est évidemment quelque chose, mais enfin, ce n’est pas encore des années de service.

De même que mon collègue Faroux, je reprocherai au Knight de n’avoir tenté aucune épreuve de vitesse. La vitesse est bien le criterium véritable et il serait à désirer qu’un valveless s’y attaquât, dût-il être battu.

Quelques mots d’histoire

Le premier brevet pris par « Knight » et « Kilbourne » remonte à 1905. Depuis divers autres brevets ont été pris en Angleterre relatifs à cette même invention(1).

« Riley » entoure chacun de ses fourreaux d’une chemise d’eau communiquant avec celle du cylindre.

« White » qui suppose aussi une chemise de refroidissement des fourreaux dispose ceux-ci de façon qu’ils soient facilement accessibles.

Dans le « Lanchester », les fourreaux sont commandés par les excentriques de deux arbres, dont on peut orienter l’un autour de l’autre. De cette façon on peut faire varier le moment de l’admission, augmenter sa durée et de même pour l’échappement. L’admission peut même être complètement supprimée.

Le « Moore » assure la distribution par un seul tiroir dont la rapidité de marche varie dans les divers temps du cycle moteur.

L' »Hewitt » a deux tiroirs cylindriques inclinés l’un pour l’admission, l’autre pour l’échappement.

Le « Bingham » a également deux tiroirs cylindriques, tandis que dans le « Forner » et « Hamilton », ces deux tiroirs latéraux sont concentriques.

D’autres enfin ont adopté des tiroirs tournants, cylindriques, comme pour « Carroll » et « Riplay » ou coniques comme « Brown » et quelques autres.

Les sans-soupapes du Salon

Un mot, pour finir, sur les  moteurs à 4 temps sans-soupapes du Salon.

Rien à dire, qui ne soit connu, du Knight, adopté et exposé, par Panhard, Minerva, Daimler, Mercédès.

La distribution par fourreau concentrique au cylindre est réalisée chez plusieurs.

Rolland-Pilain emploie un seul fourreau, relié par une bielle à un balancier dont les deux extrémités sont en relation l’une avec l’arbre moteur lui-même, l’autre, avec un arbre tournant à demi-vitesse.

Le réglage, l’avance à l’allumage, le retard, l’échappement peuvent être assurés en agissant sur les divers éléments de transmission. Il a eu les honneurs d’une saisie au sujet de laquelle des discussions juridiques se sont élevées, mais enfin tout s’est terminé à souhait.

« Mustad » emploie deux fourreaux, ou plus exactement deux demi-fourreaux concentriques au cylindre, et appliqués l’un contre l’autre suivant deux génératrices.

Les deux demi-fourreaux se meuvent indépendamment l’un de l’autre et servent le premier à l’admission, le second à l’échappement. Le modèle exposé est un 90/110 qui donne 28-33 chevaux suivant les inventeurs.

Mais il n’a pas encore fait d’essais publics.

« Broc » a un seul fourreau animé d’un double mouvement de translation et de rotation. Il porte à la surface extérieure une rainure sinusoïdale qui vient au moment convenable en communication avec la chambre de compression et par laquelle se font l’entrée et la sortie des gaz.

Les autres emploient des dispositifs divers:

« Cottereau » a un tiroir cylindrique placé au-dessus du piston. Ce tiroir est plat et son mouvement est commandé par le vilebrequin au moyen d’un double renvoi des pignons hélicoïdaux. Une voiture munie de ce moteur a pris part à la course du Val Suzon où elle a fort bien figuré.

« Henriod » a choisi de même le tiroir cylindrique, mais il le fait tourner autour de son axe, comme les robinets valves de certaines machines à vapeur.

« Ballot » a adopté un tiroir hémisphérique dans la culasse. Ces cupules sont animées d’un mouvement de va-et-vient au moyen de cames couvenablement établies. Ce mouvement est d’amplitude très faible en sorte que les frottements sont réduits au minimum. Elles découvrent tour à tour les orifices d’admission et d’échappement.

« Boissier » a un distributeur qui tourne dans une botte cylindrique placée au-dessus des cylindres et parallèle à l’axe du vilebrequin.

Ce distributeur est actionné au moyen d’une chaîne et tourne à demi-vitesse du moteur. Il se compose d’un boisseau cylindrique, muni de quatre échancrures, une par cylindre. Les ouvertures d’admission, d’échappement et de communication avec le cylindre sont situées dans le plan de l’axe du cylindre perpendiculairement au vilebrequin. Les orifices d’échappement et d’admission sont décalés de façon à assurer une avance à l’échappement. A l’intérieur se trouvent trois segments fixes, qui empêchent la communication entre les divers cylindres et s’opposent à l’entrée de l’huile de graissage dans la chambre de compression.

« Berliet », enfin, utilise deux pistons se déplaçant parallèlement au piston dans deux chambres contiguës au cylindre. A l’inverse de ce qui se passe dans le moteur « Hewitt », dont nous parlions plus haut, ces tiroirs sont constitués pas des fourreaux cylindriques qui découvrent des lumières au moment opportun. Ces tiroirs ne font pas de compression, il s’ensuit qu’ils ne participent pas aux fonctions dynamiques et qu’ils sont indépendants des phénomènes qui se passent dans les cylindres.

Quelle est la meilleure solution ? En principe, elles peuvent toutes être excellentes. L’usage seul jugera en dernier ressort de la perfection qu’auront pu atteindre les divers fabricants.

HENRI PETIT, Ancien élève de l’Ecole Polytechnique.

(et voici un moteur en pratique… 😉 )

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