Les cyclecars (Automobilia du 31/01/1920) 1/2

voici un article datant du 31 janvier 1920 et qui traite des cyclecars. J’avoue que j’ai découvert la plupart des noms des cyclecars mais une question reste entière: 2 ou 3 roues? Un de chaque est probablement la meilleure solution…! 😀

La construction des voitures automobiles s’est à peu près fixée; on peut même dire que l’on ne trouve plus guère d’idées révolutionnaires dans les motocyclettes. Par contre les tendances de la construction des cyclecars se discernent assez difficilement. Ici les solutions sont légion et se différencient complètement l’une de l’autre. Ce ne sont plus des modifications de détail: les procédés mécaniques choisis s’appuient sur des principes particuliers et qui n’ont entre eux que des rapports fort éloignés.

Tous les inventeurs -et Dieu sait s’ils sont nombreux en France- ont eu à coeur d’établir un cyclecar original. Bien souvent, les véhicules qu’ils enfantèrent furent justement par trop originaux. Et c’est ce qui jeta sur le mot même de cyclecar un certain discrédit, au point que certains véhicules qui s’apparentent sans contestation possible aux cyclecars, se défendent avec la dernière énergie d’appartenir à cette catégorie et se réclament du nom de voiturettes. D’ailleurs, cette décision a peut-être aussi pour but de flatter la clientèle, toujours plus fière d’acquérir une petite voiture qu’un motocycle. Vanité, voilà bien de tes coups !…

Mais pourquoi cette floraison touffue de cycleclars de tous genres ? Parce que tout le monde s’est dit : « Voyons: une motocyclette avec sidecar se compose d’un châssis compliqué, d’un moteur, d’un embrayage, d’un changement de vitesse, d’une transmission. Or, il est certainement possible d’établir pour le même prix une petite voiture, puisque celle-ci ne demande, somme toute, pas d’autres organes. Et il est incontestable qu’une voiturette ou un cyclecar sont plus confortables que la combinaison moto-sidecar!» Et voici à l’oeuvre tous les chercheurs, tous les mécaniciens. Etablir une voiturette pour le même prix qu’un ensemble moto-sidecar, n’était-ce pas la certitude de remplacer celui-ci ? La fortune était donc au bout de ces recherches. Et chacun de construire sur le papier ou à l’atelier son cyclecar. D’aucuns partirent de la voiture et cherchèrent à économiser sur les solutions qui sont les siennes; d’autres s’inspirèrent de la motocyclette et s’ingénièrent à appliquer au véhicule de leur rêve les réalisations mécaniques de l’engin à deux roues.

Mais le problème s’avéra beaucoup plus difficile à résoudre qu’il semblait dès l’abord. Les partisans des solutions « voiture » s’aperçurent que les économies ne portaient guère que sur la réduction du poids des matières premières. En rognant sur tout ce qu’il était possible de rogner sans compromettre l’ensemble, le prix de revient était très nettement supérieur à celui de la moto-sidecar. Les adeptes des solutions « motocyclette » découvrirent que la suspension, la direction, les transmissions, les essieux, la carrosserie, le pare-brise, la capote, les accessoires avaient sur le prix de revient une importance qu’ils ne soupçonnaient pas si grande. Et ce furent les désillusions et le découragement.

Est-ce à dire que le problème soit insoluble et qu’il ne soit pas possible d’établir, entre la motocyclette et la voiturette un véhicule économique participant des deux méthodes de construction ? Je ne le pense pas.

Tenez ! vous ne m’ôterez pas de l’idée que l’échec remporté jusqu’ici par la majorité des constructeurs de cyclecars provient surtout de ce qu’ils n’avaient pas les moyens matériels de produire en séries suffisantes. Je suis persuadé que le jour où une grande entreprise industrielle voudra se consacrer à la construction d’un cyclecar, nous aurons le véhicule vainement espéré jusqu’ici. Seulement voilà : il est autrement rémunérateur de construire et de vendre de la voiture. Et il est à craindre que nous attendrons encore quelque temps la « grosse maison » qui voudra bien courir le risque de créer quelque chose de nouveau, de faire des essais coûteux avec, au bout, la perspective de gagner très peu par machine. Mais que ceci ne nous empêche pas de jeter un coup d’oeil sur les caractéristiques des cyclecars qui nous sont actuellement présentés.

TROIS ROUES OU QUATRE ROUES ?

Nous voici immédiatement en présence de deux écoles : le cycecar doit-il avoir trois ou quatre roues ? Les partisans du trois roues -deux roues directrices à l’avant, une roue motrice à l’arrière- font ressortir que l’adoption de cette solution supprime le différentiel, tout en conservant au véhicule une tenue de route techniquement inattaquable. De plus, possibilité de prendre les virages très courts, maniabilité augmentée.

Enfin, et ceci intéresse surtout l’Angleterre, classification du « trois roues » devant le fisc comme moto-cycle, le « quatre roues » étant imposé comme voiturette.

Ces arrangements ne sont pas sans valeur. Il est certain que dans l’établissement d’un véhicule économique, le trois roues jouit d’un incontestable avantage sur le quatre roues. Je ne parle pas seulement de la suppression du différentiel : nous verrons plus loin que cet organe n’est pas du tout indispensable en aucun véhicule. Mais, aurait remarqué La Palisse, si l’on emploie trois roues au lieu de quatre, cela fait une roue de moins. Une roue complète avec pneu : c’est déjà un bénéfice. Ajoutez notamment celui de l’emploi d’un axe au lieu de l’essieu ou du pont arrière; la facilité de commande de la roue motrice, cette roue étant dans l’axe du véhicule. Petites économies, direz-vous? Hé! la différence de prix entre un cyclecar et une voiturette ne peut provenir que de la somme de petites économies. C’est en « grattant » deci-delà quelques louis sur chacune des solutions de la voiturette qu’il est possible d’avoir un cyclecar. Abandonnez l’espérance de réaliser, comme cela, une économie de plusieurs milliers de francs par l’adoption d’un principe magique. Un cyclecar et une voiturette demandent à peu près les mêmes organes; et comme un cyclecar sérieux doit être construit, plus peut-être que tout autre véhicule avec des matériaux de premier choix, ce n’est pas encore sur la matière première qu’il faudra compter pour diminuer le prix d’établissement. Ah pardon ! il y a une économie à réaliser sur ces matières premières: c’est celle consécutive à la réduction du poids. Petite économie encore, découlant d’ailleurs des solutions choisies. Le cercle est bouclé, et nous voici revenus au point de départ. Posons donc en principe que le cyclecar ne peut être que le résultat de petites économies réalisées sur l’adaptation de procédés mécaniques connus.

Revenons à notre discussion: trois roues et quatre roues. En application de ce que je viens de dire, il serait donc à souhaiter que le trois roues fût adopté par la majorité des constructeurs de cyclecars. Il est permis d’autre part de supposer que l’on sortira peut-être un jour de la gabegie où patauge actuellement l’administration du fisc. Discuter la définition du cyclecar devant l’impôt m’entraînerait hors du cadre de cet article. Je me borne aujourd’hui à noter que ne saurait s’éterniser cette dualité entre le service des mines et le fisc, qui fait que le premier, tout en connaissant le bien fondé des réclamations des constructeurs de cyclecars, n’ose pas prendre parti et se contente de qualifier « véhicules » les cyclecars qui lui sont présentés, sachant fort bien que le fisc les rangera dans la catégorie des voiturettes. Il ne faut pas oublier en effet, que, devant le percepteur, un motocycle est encore obligatoirement un véhicule mixte pouvant être propulsé soit par un moteur, soit par le conducteur au moyen de pédales ! Après une campagne dont s’honore le signataire de ces lignes, on a consenti à annuler l’obligation des pédales, mais seulement pour les véhicules à deux roues (le sidecar étant considéré comme une remorque détachable). Ne nous illusionnons donc pas: actuellement tous les véhicules automobiles à plus de deux roues sont taxées comme voiturettes. En vain m’objecterez-vous que certains cyclecars roulent avec des plaques de motocycles: que leurs possesseurs ont même été arrêtés plusieurs fois par un « agent de l’autorité » et que celui-ci s’est laissé persuader qu’ils étaient en règle. C’est une chance, voilà tout.

Or, donc, en attendant que soit précisée pour l’impôt cette question des cyclecars, il est possible que les trois roues soient, plus vite que les quatre roues, rangés dans la catégorie motocycles. Ce serait alors un gros avantage pour cette classe de cyclecars.

Ces raisons font que je ne cache pas ma préférence pour le trois roues, parce que je veux me placer ici dans le cadre d’une définition très étroite du cyclecar: un véhicule sérieux à deux places, où le conducteur et son passager sont à l’abri des intempéries, et coûtant, comme prix d’achat, d’entretien, et d’usage, le meilleur marché possible. Tant qu’on cherchera à vouloir augmenter le confort exagérément, à donner au véhicule l’aspect d’une vraie voiture, on n’obtiendra jamais qu’un engin hybride, ni cyclecar, ni voiturette. Il faut que le public à qui s’adresse le cyclecar, ait le courage et la modestie d’avouer que ce qu’il a acheté est un cyclecar, et non une voiture de plus grande valeur. Le jour où l’éducation de ce public sera suffisante pour le débarrasser de ce petit travers vaniteux, alors y peut-être trouverons-nous des véhicules qui seront de véritables cyclecars. Mais nous n’en sommes point encore là; et ce public montre une préférence très nette pour les cyclecars qui jouent à la voiture.

Ceci explique que les quatre roues sont particulièrement demandés. Ne soyons d’ailleurs pas exagérément intransigeant: il est possible quand même d’établir un véhicule à quatre roues qui soit un cyclecar. Il sera un peu plus cher, voilà tout. Mais il y a une marge suffisante dans la recherche d’autres solutions économiques, pour que soit différencié ce cyclecar d’une voiturette. Pas de différentiel, bien entendu. On peut commander les deux roues arrière par le même arbre, ou bien avoir à l’arrière une roue motrice et une roue folle.

Ce dernier procédé est en somme identique à celui qui assure la progression d’une combinaison moto-sidecar. Je lui crois avoir un léger avantage sur le système des deux roues motrices sans différentiel. Bien qu’il ne faille pas s’hypnotiser sur le glissement, dans ce cas, d’un des deux pneumatiques dans les virages. Car l’usure par râpage dans les coudes de la route, due à l’absence de différentiel, est compensée par la réduction de frottement du pneu sur les mauvaises routes, frottement bien plus important avec le système différentiel. On sait en effet, que les bosses de la route ayant pour effet de faire quitter le sol alternativement à une roue et à l’autre, le différentiel est cause d’un accroissement de vitesse de rotation de la roue qui n’est plus en contact du sol. D’où râpage du pneumatique au moment où le contact est rétabli. Adoptons donc pour le vrai cyclecar (le meilleur marché possible) le trois roues avec deux roues directrices à l’avant et une roue motrice à l’arrière, ou bien, si nous ne regardons pas à la quintessence de bas prix, le quatre roues, avec deux roues arrière motrices sans différentiel, ou une roue motrice, une roue folle. Mais par exemple, il sera indispensable, dans le cas du trois roues, de rendre la roue motrice facilement amovible sans rien dérégler.

Je signalerai aussi la méthode du trois roues formé d’une roue directrice à l’avant, deux roues à l’arrière, qui offre des qualités intéressantes de direction et d’accessibilité de la partie mécanique, bien entendu lorsque celle-ci est à l’avant ce qui semble être la meilleure solution. En ce qui concerne les roues motrices, nous revenons alors au problème identique à celui du quatre roues, dont j’ai parlé précédemment.

LA POSITION DES SIÈGES

Je ne considérerai que le cyclecar biplace, le monoplace ne convenant qu’à une minorité de sportsmen très jeunes et d’autre part le cyclecar n’étant pas fait pour transporter toute une famille. Faut-il disposer les places côte à côte ou l’une derrière l’autre ?

Pour les trois roues, il n’y a guère discussion, la disposition des places côte à côte étant à peu près uniquement employée.

Le problème se pose en ce qui concerne le quatre roues. Il est certain que les intéressés, conducteur et passager, préfèrent les places côte à côte, les propriétaires de cyclecars n’ayant pas coutume de se faire conduise par un chauffeur, ni de promener un invité indésirable. D’autre part, pourtant, la disposition en tandem présente quelques avantages. C’est ainsi que la voie réduite du véhicule lui permet de circuler plus aisément dans les encombrements, et d’emprunter des chemins dont la largeur interdirait le passage de tout autre véhicule automobile. La bonne tenue de route s’augmente de l’allongement de l’empattement. Enfin, l’absence de différentiel se fait naturellement moins sentir avec une voie étroite. Ces raisons ont leur valeur, certes. Mais elles ne pèsent pas lourd devant le monsieur qui entend avoir sa femme ou sa petite amie à ses côtés et non pas derrière lui, à la place où l’on met d’habitude les bagages. On a beau lui faire remarquer que la conversation est, en définition, assez facile, entre le conducteur et sa passagère: il suffit à la personne se trouvant à l’avant de tourner très légèrement la tête à celle assise à l’arrière de se pencher non moins légèrement en avant. Tout cela est bel et bon: mais la disposition ne plaît pas, et il faut faire ce sacrifice au goût de la clientèle: les deux places côte à côte.

Côte à côte ? Halte-là !… Nous avons, ne l’oublions pas, un véhicule léger aux dimensions modeste. Lui donner la largeur nécessaire pour que deux personnes, puissent être assises avec un confort suffisant, et très exactement sur le même plan, c’est donner au petit véhicule une allure ventrue des plus désagréables à l’oeil. L’esthétique exige donc une réduction sur la largeur de la carrosserie. Et nos deux voyageurs devraient se résoudre à être gentiment tassés s’il n’existait le stratagème du décalage des sièges pour concilier les deux exigences de la ligne et du confort. Le siège du conducteur étant placé légèrement en avant de celui du passager, les épaules des deux occupants ne se trouvent plus sur le même plan et les coudes de chacun sont à l’aise. Autre avantage: le passager à la faculté d’allonger les jambes, ce qui n’est pas à dédaigner. Bien entendu, direction à gauche pour les pays où la « main » est à droite; à droite pour les nations où l’on circule à gauche.

LE MOTEUR

Ici, il ne peut être question d’examiner les systèmes adoptés par les cyclecars actuellement sur le marché. En effet, nous y trouverions à peu près tous les genres de moteurs: monocylindres; deux cylindres verticaux ; en V; horizontaux opposés; quatre cylindres; le tout refroidi par ailettes généralement avec ventilateurs, par air canalisé, ou par eau. Autant vaudrait passer en revue la totalité des solutions utilisées par les constructeurs de moteurs quels qu’ils soient.

Pourtant la majorité des cyclecars est équipée d’un deux cylindres. Et, pour une fois, la majorité à raison. Le deux cylindres est le moteur qui s’impose sur ce genre de véhicule. Avant de dire quelques mots de la disposition de ces cylindres, liquidons la question refroidissement. Là encore on est sur la bonne route: le refroidissement par eau est l’exception, et les ailettes tiennent la tête de loin. Est-ce à dire qu’il suffit de mettre plus ou moins complètement sous un capot un moteur de motocyclette un peu plus puissant peut-être, mais refroidi par l’air tourbillonnant à sa volonté autour des ailettes ? Il ne faut pas oublier que le cyclecar doit être un véhicule passant partout, et permettant notamment de circuler facilement en ville. Or, qui dit circulation de ville dit arrêts fréquents, marche ralentie, démarrages, etc., toutes choses mauvaises pour les moteurs à ailettes comptant surtout sur la vitesse du véhicule pour assurer un refroidissement suffisant. Il est indispensable qu’un moteur de cyclecar, comme celui d’une voiture, puisse tourner assez longtemps sur place sans chauffer. D’où utilité d’un ventilateur.

Nous voyons, en effet, la presque totalité des moteurs à ailettes être munis de ventilateurs, le plus souvent même d’un ventilateur par cylindre. Mais il semble bien qu’on se soit contenté de placer ceux-ci sans trop s’occuper de leur rendement. On a mis devant les ailettes lesdits ventilateurs à l’endroit où il était le plus facile de les loger. Les résultats obtenus sont assez satisfaisants, soit. Mais il est hors de doute qu’ils pourraient être bien meilleurs. Non : le système du ventilateur seul est insuffisant. Ce qu’il faut, c’est le refroidissement par air canalisé.

(A suivre.) Maurice PHILIPPE.

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