Les cyclecars (Automobilia du 15/02/1920) 2/2

suite et fin de c et article, datant du 15/02/1920.

LE MOTEUR (Suite)

Ce qu’il faut, c’est le refroidissement par air canalisé.

En s’en donnant la peine, on peut obtenir par ce moyen, des résultats nettement supérieurs à ceux qu’on pourrait espérer de la circulation par eau. Je vais plus loin: le refroidissement par air canalisé est le système de l’avenir pour tous véhicules automobiles. Il est inimaginable qu’on s’obstine à traîner ce poids mort inutile qu’est le radiateur, cette complication de la circulation d’eau avec ses innombrables désagréments qui prennent l’hiver des allures de catastrophes. Oui pourquoi tout cela, lorsque de grosses voitures comme la Franklin munies d’un moteur refroidi par air canalisé, n’ont jamais donné lieu au moindre ennui?

Pourquoi?

Par routine simplement.

Parce qu’on a accoutumé de trouver sur une voiture un radiateur et qu’il y a toute une nouvelle éducation à faire avant que le public accepte autre chose. Mais imaginez qu’au contraire, les premières voitures aient été munies d’un moteur à air cooling, actuellement elles auraient toutes ce dispositif. Et quels cris ne pousserait-on point alors si un inventeur sortait à ce moment un moteur refroidi par circulation d’eau. « Au fou ! » dirait-on. « Comment ? pour n’obtenir aucun progrès de fonctionnement, bien au contraire, voilà un monsieur qui remplace notre commode ventilateur par un réservoir pesant, et fragile; et qui ajoute des tuyaux, des joints, des pompes, de l’eau ! » Avouez qu’on aurait tout à fait raison. Seulement voilà: parce qu’on a commencé par la solution la plus mauvaise, et que le temps l’a consacrée, c’est le défenseur du bon sens qui passerait pour un original !

Donc, aucune hésitation: pour nos cyclecars, moteur refroidi par air canalisé. Qui voudra travailler sérieusement le problème des procédés de meilleur rendement de ce refroidissement ?

J’ai dit précédemment que le moteur deux cylindres avait mes préférences. Ici, nous trouvons dès l’abord deux catégories: moteur à quatre-temps ou moteur à deux-temps. J’estime que pour un deux cylindres pour cyclecars, l’avenir est au moteur à deux-temps. On devine que les qualités de simplicité de robustesse, d’équilibrage, motivent cette manière de voir. Mais je pense également que le deux-temps a besoin encore d’être étudié. Dans l’état actuel de la construction, je lui préférerais le quatre-temps, parce qu’il est, encore une fois, indispensable que le cyclecar puisse être mis entre toutes les mains.

Quelle disposition des cylindres adopterons-nous ? Verticaux côte à côte, en V, horizontaux opposés ? J’élimine immédiatement les deux cylindres en V, bien que ce type de moteur soit celui le plus couramment employé ! Le deux-cylindres en V fonctionne, c’est certain. Il ne donne pas même naissance à des ennuis sérieux. Mais son équilibrage ne peut être pleinement satisfaisant et puisque nous sommes à la recherche du cyclecar idéal, nous préférons une autre disposition.

Restent donc les cylindres verticaux en ligne ou opposés horizontalement. Les deux moteurs sont intéressants. Mais le second est nettement supérieur en ce qui concerne l’équilibrage, l’absence de vibrations. Je sais: il est plus difficilement logeable sous le capot. A dire vrai, c’est cette difficulté qui a retardé l’adoption d’un type dont personne ne discute les qualités exceptionnelles. Le problème s’aggrave de ce que, pour les commodités de transmission, les deux cylindres doivent être placés face à la route. Il faut donc nécessairement, soit avoir un capot très large, soit ménager de chaque côté de ce capot des ouvertures ad hoc permettant de faire dépasser la tête des cylindres. Un capot large, c’est bien disgracieux ; et pour ma part, je préfère la seconde solution. Elle est d’ailleurs adoptée par plusieurs marques anglaises et la ligne, pour n’être pas tout à fait aussi élégante que celle d’un capot classique de voiture, reste pourtant fort plaisante.

Au reste, avec la canalisation d’air, et le capot, il est possible d’établir un ensemble au dessin harmonieux. J’ai confiance pour ce faire au bon goût de nos constructeurs.

Naturellement, le moteur aura une cylindrée maxima de 1100 cmc, puisque c’est là une des conditions de qualification imposées aux cyclecars par les règlements sportifs.

LE CHANGEMENT DE VITESSE

L’idéal pour un cyclecar est l’emploi d’un changement de vitesse constituant en même temps un procédé d’embrayage et de débrayage. En conséquence, se trouveraient éliminés la boîte à engrenages et à baladeurs et le changement de vitesse par système planétaire qui exigent tous deux un embrayage distinct: cône cuir, disques métalliques, plateau, etc. Pourtant, je crois que ce serait une erreur de proscrire définitivement ces deux solutions, surtout la seconde dans laquelle les pignons sont toujours en prise, avantage précieux pour les néophytes qui ne peuvent ainsi démolir leur changement de vitesse dans une fausse manoeuvre.

Parmi les procédés constituant en même temps embrayage et changement de vitesse nous trouvons: les poulies extensibles et la friction. Les poulies extensibles ne sont plus guère utilisées: elles exigent, en effet, l’emploi de la courroie et, à tort ou à raison, le public a une aversion marquée pour ce genre de transmission. De plus, le système qui consiste à embrayer par patinage de la courroie est à rejeter, cette dernière s’usant ainsi trop rapidement. La courroie, qui est, quoi qu’on pense, un mode de transmission intéressant, propre, souple, et d’excellent rendement demande à être employée sur des poulies de grand diamètre, et avec une tension constante. Je n’insiste donc pas davantage sur la poulie extensible.

Reste le changement de vitesse par friction. Solution bien séduisante en vérité: embrayage, gamme de vitesses illimitée, marche arrière, le tout au moyen d’un seul dispositif; que demander de mieux? La friction a d’ailleurs déjà fait ses preuves, ce qui ne veut pas dire que la meilleure utilisation du principe ait été réalisée. Il reste certainement de bonne besogne à accomplir dans cet ordre d’idées. Il faut notamment que la pression augmente au fur et à mesure que croît le rapport de multiplication. Mais je pense fermement, en ce qui concerne le cyclecar, que le changement de vitesse par friction est la solution capable de donner les résultats les meilleurs.

J’ai omis de signaler les dispositifs à chaînes multiples et clabots ou segments. Certes, le procédé est susceptible d’un bon usage. Mais il demande à être utilsé avec un certain doigté. D’autre part des ennuis sont à craindre du côté du réglage de la tension des chaînes.

LA TRANSMISSION

Le principe de transmission adopté dépend nécessairement du changement de vitesse que l’on a choisi.

Avec la friction, on trouve généralement la chaîne comme transmission finale.

Les poulies extensibles demandent des courroies.

Enfin, l’arbre à la cardan, soit à pignons soit à vis sans fin, est généralement usité avec les boîtes de vitesse à balladeurs et les changements de vitesse par planétaires.

En résumé, nous sommes en présence de trois groupes de solutions pour la transmission finale: courroies, chaînes et arbres à cardan.

J’ai dit ce que je pensais de la courroie: elle est susceptible de rendre les meilleurs services sous la réserve qu’on l’emploie à tension constante et qu’on la mette à l’abri de la boue, de la poussière, de la pluie surtout. Je me rappelle notamment les très bons résultats obtenus autrefois par une marque qui utilisait la courroie plate sous carter. Mais la courroie n’est plus de mode, et la clientèle s’effraye lorsqu’on lui en parle. Citerais-je l’exemple de ce cyclecar nouveau établi primitivement avec une transmission par courroies, donnant d’ailleurs toute satisfaction, mais dont les constructeurs ont dû adopter un autre procédé, pour suivre les goûts des clients ?

Faisons donc nous aussi cette concession à la mode qui demande le remplacement de la courroie par la chaîne, en ce qui concerne motocyclettes et cyclecars.

Au reste la chaîne est une solution fort satisfaisante et qui supprime tout risque de patinage. Comme toute chose, cette suppression a son bon et son mauvais côté. Son avantage n’a pas besoin d’être expliqué; mais l’impossibilité du moindre glissement a pour résultat un peu de brutalité. La chaîne demande donc comme complément un embrayage particulièrement souple, ou un conducteur très exercé. Pour éviter ces obligations, l’on peut assouplir, comme cela se fait, pour la plupart des motocyclettes usitant ce mode de transmission, soit la chaîne (chaînes à ressorts), soit le pignon récepteur.

Autres conditions d’emploi : la chaîne exige d’être constamment graissée; de plus elle doit être protégée contre la boue et la poussière qui provoqueraient son usure prématurée, voire sa rupture, la boue séchée accumulée sur les pignons et entre les maillons ayant pour conséquence une tension exagérée.

Il est donc bon d’enfermer la chaîne sous un carter le plus étanche possible.

Bien entendu, un réglage de tension de chaîne est indispensable, pour rattraper l’allongement consécutif à son usage.

Avec ce dispositif, il semble préférable de commander seulement une des roues arrière, l’autre tournant folle.

Reste la transmission à la cardan (pignons ou vis sans fin). Ce serait évidemment la meilleure solution, si elle n’était pas la plus conteuse. Mais je ne reviendrai pas sur cette question du prix, que j’ai traitée quelque peu au début de cette brève étude.

QUEL SERAIT LE CYCLECAR IDEAL ?

Idéal ? C’est beaucoup dire. II n’y a pas de cyclecar idéal, cette catégorie de véhicules étant, par définition, le maillon intermédiaire entre la combinaison moto-sidecar et la voiturette. Il sera donc toujours loisible, sur le modèle choisi, de simplifier pour se rapprocher de la première, ou d’augmenter le confort en s’orientant davantage vers la seconde. Et selon que l’on considérera la question prix ou la question confort on pourra objecter qu’il est possible de mieux faire.

C’est seulement un problème de mesure.

Je crois pourtant, et je l’ai dit, que le cyclecar doit résolument s’inspirer du motocycle. L’on pourra obtenir ainsi un motocycle très perfectionné au lieu d’une voiturette rudimentaire. Ne vaut-il pas mieux être en haut de l’échelle de la classe motocycle qu’au bas de la catégorie voiturettes ?

J’adopterai donc le cyclecar à trois roues, deux places légèrement déportées. Le moteur sera un deux cylindres horizontaux opposés, refroidis par air canalisé. Embrayage, changement de vitesse par friction. Transmission finale par chaîne sous carter.

Si l’on ne regarde pas à une légère différence de prix, on peut adopter le quatre roues; même moteur; changement de vitesse par planétaires; transmission par arbre à cardan.

C’est intentionnellement que je n’ai indiqué ici que les solutions d’ordre général. Le cadre de cet article ne me permet pas d’entrer dans les détails.

Mais il n’est pas sans intérêt de noter que le cyclecar devra nécessairement avoir pare-brise et capote; des pneus assez gros et des roues facilement amovibles. Ici, pas plus d’ailleurs qu’en ce qui concerne les matières premières, le soin et la précision de l’usinage, ce serait mauvaise politique de chercher à économiser. Encore un coup, c’est au bureau de dessin et non à l’atelier qu’il faut chercher la réduction du prix de révient.

Maurice PHILIPPE.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.