Extrait de « Cent ans d’automobile française », présentation de la marque Hotchkiss
1904. Des canons lui donnèrent le départ
Né dans l’État du Connecticut en 1826, l’Américain Benjamin Berkeley Hotchkiss bâtit sa fortune en produisant des armes, en particulier des canons légers pendant la guerre de Sécession. II s’installa en France, à Saint-Denis, en 1875, et y construisit une usine pour produire des canons automatiques légers. Il disparut dix ans plus tard, non sans avoir étudié une nouvelle mitrailleuse qui, à terme, détrôna la «Maxim». Ces fabrications, rappelées par l’emblème des voitures, garantirent longtemps une bonne santé financière à la firme, qui aborda l’automobile en 1902 par le biais de la fabrication de pièces de précision.
En 1903, le financier de l’entreprise, Mann, créa le département « voitures » y et le confia au technicien américain L. V. Bennet, qui eut pour bras droit l’ingénieur français Terrasse, transfuge de chez Mors.
L’orientation fut double d’une part de grosses voitures de course et d’autre part des voitures de luxe. Le premier maillon de cette longue chaîne de modèles fut, en 1905, une 20 CV dont le moteur «5 paliers » tournait sur des roulements à billes et dont le cadre du châssis était en tôle, d’acier au nickel! La qualité Hotchkiss était donc bien aussi vieille que la marque!
En fin d’escalade : la 40/50 CV type V
Après 1905, la diversification des modèles fut si rapide que, de A à Z, l’alphabet se trouva épuisé dès 1912 pour désigner les modèles de la marque!
La politique fut de centrer la gamme avec des châssis se situant soit au-dessous de la 20 CV (16/18, puis 12 CV) soit nettement au-dessus avec des modèles à 4 et 6 cylindres dont les puissances allèrent en croissant jusqu’en 1910.
Dès 1907, Hotchkiss lança une grande «6 cylindres », le type V, première du nom qui, pour donner sa mesure, accomplit un exploit routier resté mémorable.
Du 7 février au 6 avril 1907, elle couvrit un Tour de France en zigzag, suivi du 29 avril au 14 juillet d’un périple en Grande-Bretagne et en Écosse, avant de participer à l’épreuve annuelle du Royal Automobile Club. En tout, elle couvrit 24 130 km, suivis d’un démontage et d’un contrôle complets. Bien que les résultats aient été excellents, les roulements à billes cédèrent la place à de très gros coussinets à toute épreuve; « on » en profita pour donner un coup de pouce à la cylindrée, qui passa à près de 9 litres 1/2!
Ce second type V, alias 40/50 CV, n’est autre que l’énorme limousine à conduite intérieure carrossée par Paul Audineau en 1910, et qui est une des pièces maîtresses du Musée de la Voiture et du Tourisme, au Palais de Compiègne.
1919-1939. Un (gros) éléphant blanc, le monotype et le « tandem » à succès
Parallèlement à la vente de châssis datant de 1914 et en voie d’extinction, la firme de Saint-Denis voulut lancer une super-automobile de la taille de l’Hispano : la 30 CV type AK, dessinée par l’ingénieur Maurice Sainturat, et dont le châssis d’exposition est conservé au Conservatoire des Arts et Métiers.
Elle ne fut pas commercialisée, mais plusieurs de ses innovations furent retenues pour tracer un modèle léger, à l’opposé de la gamme: la 12 CV AM, qui éclipsa une 18/22 CV un peu vieillie, et connut le succès (1923). Perfectionnée en 1926, elle devint le type AM2, alias la 12 CV (en réalité 13), qui, jusqu’en 1928 indus, constitua la seule et réputée production de la marque.
Cependant, pour 1929, Hotchkiss revenait ou «6 cylindres » avec un châssis dont le moteur de 3 litres (17 CV) était si bien étudié qu’il demeura pratiquement inchangé jusqu’en 1954.
Le fameux tandem » des « 4 cylindres » et des « 6 cylindres » était formé.
Dés son entrée en scène, de sportifs pilotes amateurs, M. Mertens (sur 4 cylindres) et son épouse (sur 6 cylindres) remportèrent le difficile Rallye du Touquet, ayant pris le départ en… Russie. La grande époque d’Hotchkiss commençait, orchestrée par des campagnes promotionnelles efficaces, teintées du sérieux de M. Jacobsen, Directeur commercial, et de celui de M. Ainsworth, l’Administrateur délégué.
1939 GS : grand sport, et aussi grande sécurité
Les succès répétés des 4 et 6 cylindres de la marque se traduisirent, au fil des années trente, par l’apparition de versions de plus en plus performantes, telles que la série des « Paris-Nice ».
Un haut de gamme sportif, lancé en 1936, reçut le sigle GS, et essaimera en GS1, 2 et 3, les 2 derniers modèles équipés du moteur 6 cylindres 20 CV.
Ce remarquable cabriolet GS3, précieusement restauré, est, selon toute vraisemblance, le co-vainqueur (avec Delahaye, au millième de point) du Rallye Monte-Carlo 1939, obligeant les organisateurs à… scier la coupe des vainqueurs en deux… !
1951-1953. Les « Anjou » 13 et 20 CV : elles laissèrent un grand vide
Après une période de transition (1946/1950), la marque modernisa agréablement l’esthétique de ses voitures pour l’année-modèle 1951.
Sans rupture avec l’allure classique et familière qu’il avait réussie en 1936, le styliste « maison » Vinci-Guerra sut adoucir les lignes en composant avec l’intégration des ailes et de la calandre : les berlines 1350 et 2050 avaient réellement grande allure.
Après avoir été charmé, pendant 30 ans, par les noms des stations à la mode donnés aux divers modèles de carrosseries (La Baule, Biarritz…), on se plaisait à voir l’« Anjou » parrainer ces excellentes berlines, équipées de roues AV indépendantes (depuis le millésime 50).
Quant à la version décapotable, recevant les soins du Maître Chapron, elle était ravissante. Il faut déplorer qu’aucune autorité industrielle clairvoyante n’ait saisi l’intérêt national de ces voitures sérieuses et bonnes qui, en subissant une évolution normale, auraient pu rivaliser avec les productions britanniques et allemandes, les américaines s’étant rapidement raréfiées.
Leur disparition, coïncidant avec celle de Delahaye, Delage, Bugatti (et bientôt Talbot), ouvrait la porte au flot de voitures de luxe importées, balayant l’une des grandes traditions françaises.