Historique Georges Irat

Voici un extrait du magasine Retroviseur (n° 31 de mars 1991) qui reprend l’histoire de Georges Irat (article d’Alan Geslin)

(il y a, par ailleurs, tout un article avec un face à face entre un roadster 6cv MDU de 1938 et une 2 Litres de 1924):

C’est par un poste de directeur du service automobile à la Compagnie générale d’électricité que Georges Irat fait ses premiers pas dans le monde de l’automobile ; il a un peu plus de 20 ans.

Cette entrée en matière est interrompue pour cause d’obligations militaires, auxquelles il se plie en tant qu’aérostier.

A sa libération, il revient à ses premières amours et assure la vente de véhicules venant de l’étranger, avant de se tourner vers la marque Majola. En 1921, il la rachète et, poussé (comme tant d’autres à cette époque) par le démon de la construction, il fait appel à l’ingénieur Maurice Gaultier, ancien responsable du département « moteur » chez Delage avant la Grande Guerre.

Georges Irat lui confie l’étude d’une 2 litres, cylindrée alors retenue par l’Automobile club de France pour les voitures participant au Grand Prix de Vitesse. La compétition est bien sûr porteuse d’une image de marque valorisante et le fait que Delage, justement, ait su l’exploiter au mieux n’est pas étranger au choix de Georges Irat…

Au 37, boulevard de la République, à Chatou, où sont implantés les ateliers Georges Irat, les travaux vont bon train et la 2 litres est fin prête pour le Salon de l’Auto de 1921. Elle y fait sensation, la presse de l’époque est unanime à son sujet et le slogan retenu par le constructeur « La voiture de l’élite », n’est pas surfait : elle apparaît comme une des plus modernes de la catégorie 11 CV, classe luxueuse et comportant un large éventail de véhicules à caractère sportif.

Sa conception est particulièrement soignée et offre quelques-unes des meilleures solutions techniques du moment, dont un essieu avant Perrot et un servofrein Hallot. Le châssis, en tôle d’acier emboutie et surbaissé en son centre, est proposé en deux versions : 3 m ou 3,20 m d’empattement, autorisant d’élégantes carrosseries dont celles figurant au catalogue telles les transformables « Standard » (système Baehr), conduites intérieures « Sleeping », torpédos « Grand Tourisme » et « Sport » – dans cette version particulièrement racée, la barre fatidique des 100 km/h pouvait, en théorie, être franchie.

A partir de 1924/1925, un modèle dit « Compétition Spécial » est offert aux acheteurs il est établi sur un châssis raccourci (2,80 m) et le moteur quatre cylindres de base a reçu quelques « vitamines » supplémentaires, grâce à une culasse spéciale et des culbuteurs allégés, d’où une puissance au frein passant de 40 ch à 2.650 tr/mn à 60 ch pour 4.000 tr/mn. Habillés en torpédo sport à pointe course et conduite intérieure, ces fleurons de la marque de Chatou sont livrés avec des fiches de chronométrage, chaque modèle avant livraison étant essayé sur l’anneau de Montlhéry. Le torpédo sport pouvait atteindre 140 km/h ! De quoi séduire plus d’un pilote désireux de participer aux épreuves ouvertes aux 2 litres Tourisme. Leur production s’est faite au compte-gouttes et qui sait combien il en demeure aujourd’hui…

En compétition, les Georges Irat 2 litres s’illustreront à maintes reprises, sans toutefois décrocher un réel titre majeur. En 1923, deux Georges Irat prennent part aux 24 Heures du Mans : le tandem Cappe et Douarinou termine à la 15 ième place, Milhau et Mallevau finissant à la 29 ieme position. En 1924 et 1925, nouvelles tentatives, mais aucune Georges Irat ne franchira la ligne d’arrivée. C’est le pilote Rost qui remportera le plus de victoires sur Georges Irat 2 litres et, parmi les prestations glorieuses de cette série, il faut retenir une victoire en 1925 à la redoutable épreuve du Circuit des Routes Pavées (une 2 litres, première toutes catégories, dama le pion à des véhicules de 5 litres de cylindrée !) ; victoires aussi la même année au Paris-Nice, à La Turbie, au Mont-Ventoux, à Boulogne, au Toul-Nancy et succès consécutifs en 1924 et 1925 à Casablanca. En 1926, nouveaux lauriers glanés aux 24 Heures de Belgique et à la très prisée course de côte de Château-Thierry, pour ne citer que quelques résultats, abondamment exploités par la marque.

La 2 litres est produite jusqu’en 1929, sans grandes transformations notables.

En 1927 tout auréolé de l’honorable percée commerciale de ses 2 litres, Georges Irat diversifie sa production… et cède à la mode des six cylindres. Sans le savoir, il entame son chemin de croix.

Le châssis type 6-A, 15 CV, voit ainsi le jour et découle directement de la 2 litres – seules différences, moteur à sept paliers et puissance accrue (80 ch à 3.750 tr/mn).

En 1928 apparaît le châssis 6-B, 17 CV. La cylindrée du moteur est portée à 3,6 litres, notamment par l’augmentation de l’alésage (76 mm).

Mais la crise économique est au bord des frontières de l’Hexagone et ce modèle subit un retentissant échec commercial.

Ne baissant pas les bras, G. Irat a en tête un nouveau véhicule pour aborder 1930, année qui correspond au transfert de son usine au 67, boulevard de Levallois, à Neuilly.

Refroidi par par l’échec cuisant de la 6-B, il décide de faire l’impasse sur l’étude d’un nouveau moteur, toujours onéreuse, et, comme nombre de ses concurrents, se tourne vers des mécaniques déjà existantes. Lui penche plutôt pour les moteurs V8 américains Lycoming. Ils donneront une âme à la Irat-Huit, voiture très luxueuse dont les moteurs 4 litres (70 x 130) seront dotés de couvre-culasses en aluminium frappés Irat-Huit… pour dissimuler leurs origines aux yeux des profanes, dont une toute petite poignée céderont à la tentation puisque seuls quatre ou cinq spécimens auraient vu le jour!

En 1932, croyant trouver son salut dans la diversité, l’infortuné lrat commercialise une 28 CV également à moteur Lycoming (5 litres de cylindrée). Et troisième « flop » commercial !

Bref, en 1934, tout va mal dans la maison Georges Iras. Celui-ci change alors radicalement son fusil d’épaule, mutation qui découle du rachat des Etablissements Godefroy et Lévèque (situés rue Raspail, à Levallois-Perret), constructeurs des célèbres moteurs Ruby qui ont activement participé au développement de la « vague cyclecar » dans les années 10-20.

Ainsi, au Salon 1935, c’est la surprise totale pour le public: adieu les berlines gourmandes et torpédos antédiluviens, place aux petits roadsters et cabriolets traction avant !

Un rien tape-à-l’oeil, ils séduisent d’emblée une clientèle de jeunes à la recherche de sensations fortes, ou du moins adeptes de la conduite cheveux au vent car ces aguichantes 5 et 6 CV Georges Irat ne sont pas des foudres de guerre.

Le roadster est un peu plus vite sur route que le cabriolet (environ 20 km/h de mieux), car plus léger de 70 kg.

La version 5 CV, type MM, à moteur 954 cm3 (57 x 87,5) est produite en 1935 et 1936 à une petite centaine exemplaires.

Le modèle 6 CV, type MDS, son frère jumeau de carrosserie (à moteur 1.097 cm3, 60×97), est commercialisé entre 1935 et 1937.

Il est remplacé cette année-là par le type MDU, à moteur Ruby DU 1.078 cm3 (61 x 92) et vilebrequin renforcé. Autre changement, les suspensions arrière à ressorts cèdent la place à des anneaux de caoutchouc Neiman, sans doute plus économiques à fabriquer mais bien moins fiables !

En 1939, ultime changement d’appellation : le MD est remplacé par le modèle ODU dont le châssis a été modifié à l’avant pour recevoir des suspensions à anneaux Neiman. A noter un léger rajeunissement de la caisse, et la calandre ressemble désormais à une grosse boule de glace. En option une boîte quatre rapports est disponible, petite touche de modernisme bienvenue.

1939 c’est aussi l’année du lancement du cabriolet type OLC, à moteur 11 CV Citroën (78 x 100) équipant les fameuses Traction ; en fin de carrière (très brève !), il reçoit celui des 11 « Perfo » (56 ch à 3.800 tr/mn contre 46, au même régime, pour le moteur 11 précédent). Parmi la petite centaine d’exemplaires construits, on en dénombre quelques-uns équipés de boites de vitesses, cardans et directions Citroën… mais aussi (enfin !) de freins hydrauliques.

Très faible production donc pour cet hybride mal dans sa peau dont le prix de lancement atteignait 32.500 F contre 31.100 F pour le cabriolet Citroën, plus performant.

Quant aux cabriolets et roadsters à moteur Ruby 6 CV, le chiffre de production avoisine les 400 exemplaires. Autant dire qu’aujourd’hui les survivants sont rares !

Après-guerre, Georges Irat abandonnera cette production et refera surface, épisodiquement, à coup de prototypes étonnants et tout-terrain sans lendemain. Il aura plus de succès dans le domaine des utilitaires par le biais de moteurs à huile lourde (les DOG) commercialisés jusque dans les années 60. Mais Georges Irat avait pris depuis longtemps une retraite bien méritée…
(Historique réalisé à partir d’informations transmises par Michel Piat, dynamique président du club « La voiture de l’élite » ; qu’il en soit ici vivement remercié !)

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