Après avoir vu l’histoire des Delage 1500 cc (articles 1/3 et 2/3), voici la description faite par l’ingénieur qui l’a créée, Albert Lory:
Qui donc pouvait mieux nous décrire la fameuse 1500 que son véritable créateur, l’ingénieur Lory ? Pareille authenticité, nous pouvons, ami lecteur, vous l’offrir aujourd’hui.
Ce rapport technique que nous publions in extenso, nous le devons aux « Amis de Delâge » qui, récemment, et avec la bienveillante autorisation de Mme Lory, le faisaient paraître dans leur bulletin.
Les longerons du châssis sont en tôle emboutie de faible épaisseur (3 mm), tôle d’acier nickel pour obtenir avec le minimum de poids le maximum de résistance; ils sont assemblés dans le milieu par des traverses très allégées à l’avant et à l’arrière par des tubes ; le montage du tout s’effectue, non au moyen de rivets comme dans un châssis ordinaire, mais avec des boulons. Les mains de ressorts AV et AR sculptées dans une masse d’acier nickel chrome sont boulonnées au châssis renforcé à cet endroit par des cales aluminium. Les ressorts avant sont sous le châssis ; ceux arrière étant au-dessus pour surbaisser la voiture au maximum.
L’essieu AV, lui aussi en acier à haute résistance, est très léger, quoique devant subir d’énormes efforts de torsion au moment du freinage. Il est exécuté en trois pièces réunies par boulons, cela pour obtenir un usinage parfait nécessaire à cause des faibles épaisseurs.
Les ressorts AV sont fixés sur les deux bras extérieurs à des patins, pris dans la masse de ces bras, au moyen de boîtiers en acier servant en même temps d’attache d’amortisseurs et de point d’appui pour les crics.
Les fusées sont à plateaux et tournant sur l’axe de l’essieu par l’intermédiaire de rouleaux, afin d’éviter tout « dur » dans la direction.
Le pont AR, entièrement pris dans la masse du même acier 1 nickel chrome que l’essieu AV, est fait en trois parties : un carter recevant tous les pignons et deux trompettes fixées aux ressorts par des étriers, la poussée et la réaction ayant lieu par ces ressorts. Il comporte un différentiel à pignons coniques, le couple conique étant à denture droite en acier trempant à l’air; sa réduction est d’environ 1 à 6.
La voie AR comme celle AV est de 1,30 m; l’empattement de 2,50 m.
Fixons maintenant dans le châssis le bloc moteur et boîte, bloc portant également le pédalier et les petites commandes (ralenti, avance à l’allumage, pression d’huile), afin de rendre toutes ces commandes indépendantes de la déformation du châssis. Ce bloc est relié aux longerons par deux tôles traverses, celle arrière étant pincée entre le carter moteur et la boîte de vitesses, celle avant étant articulée autour de l’axe moteur.
Le moteur est un 8 cylindres en ligne, alésage 55,8 mm, course 76 mm, cylindrée totale: 1 487 cc.
Ces soupapes en acier résistant à très haute température demandent une étude approfondie pour la forme et pour le poids; elles sont rappelées par trois ressorts concentriques.
Malgré la grande température qui règne dans la chambre d’explosions, les soupapes ne souffrent pas.
Les arbres à cames, un pour l’admission, un pour l’échappement, attaquent les soupapes par l’intermédiaire de linguets, ils sont forés d’un bout à l’autre pour l’arrivée d’huile à chaque came. Montés entièrement sur rouleaux, ils sont faits en nickel chrome, cémentés et trempés.
Le cylindre, d’une seule pièce, est en fonte avec chemises d’eau rapportées. Tout l’attelage (bielles, pistons, axes de pistons), doit être sérieusement étudié si l’on songe que, malgré le faible alésage (55,8 mm) il supporte à l’explosion et à l’inertie 1,5 tonne et ceci, touts les demi-tours, c’est-à-dire tous les 1/260 de seconde.
Le piston très nervuré est en aluminium de première qualité; l’axe, très mince, en acier cé-menté et trempé ; la bielle en deux parties pour permettre le montage sur le vilebrequin à plateaux d’une seule pièce, vilebrequin comportant 9 paliers à rouleaux. Les bielles sont également montées sur leurs manetons par l’intermédiaire de rouleaux tournant directement sur le vilebrequin et dans la bielle, ce qui nécessite ces deux pièces en acier nickel-chrome cémenté trempé.
L’usinage de ce vilebrequin demande de grandes précautions, vu toutes les déformations qui se produisent aux traitements thermiques successifs cle recuit, cémentation et trempe.
Un compresseur, type Roots, à deux pales, aspire dans un seul carburateur et refoule aux cylindres par une tubulure en acier, sur laquelle se trouvent les soupapes de sécurité. La pression de refoulement étant de beaucoup supérieure à 1 kg, la chaleur de compression des gaz est évacuée en partie par des ailettes venues de fonderie avec le carter de compresseur, lequel est situé tout à l’avant pour recevoir le plus d’air possible en marche. Le rapport de compression volumétrique est de 5.
Le refroidissement est obtenu par pompe centrifuge et radiateur.
Le graissage se fait au moyen de trois pompes à engrenages situées dans le carter bain d’huile. L’une aspire l’huile dans un radiateur indépendant du moteur pour la refouler à chaque palier ; de là elle graisse les bielles par force centrifuge. L’autre aspirant l’huile également au radiateur assure le graissage des pignons,, compresseur, des arbres à cames. La troisième, qui est une pompe de vidange, aspire dans le carter moteur pour qu’il n’y reste jamais d’huile et la reconduit au radiateur.
Les courbes de puissance et de couple sont presque des lignes droites. Ou obtient une pression moyenne supérieure à 16 kg an moment du couple maximal.
L’embrayage fonctionnant à sec est à disques multiples pour rester dans un petit diamètre, afin de diminuer les effets de la force centrifuge. Comme dans tous ces embrayages, de petits ressorts sont intercalés entre les disques pour les décoller au moment du débrayage; il a fallut les monter d’une façon toute spéciale pour leur éviter de se dérouler sous l’action de la force centrifuge à 7 500 tours et de quitter complètement leur axe.
La boîte comporte 5 vitesses (dont une surmultipliée) et une marche AR. Elle est à trois baladeurs. Les pignons sont en acier trempant à l’air traité à 200 kg, ce qui leur permet d’être de faible dimension par rapport à la puissance transmise; mais rend l’usinage plus difficile. A l’arrière de la boîte se trouve un servo-frein mécanique commandé par roue et vis sans fin. Le graissage en est assuré par une petite pompe située dans la boîte de vitesses.
Il est à remarquer qu’aucune rotation dans tout le châssis ne se fait sur palier lisse ; tout est monté sur rouleaux ou sur billes.
Le frein à pied agit sur les quatre roues par l’intermédiaire du servo-frein mécanique ; un réglage rapide de frein, permettant un raccourcissement de câbles de plusieurs centimètres, est interposé dans la commande. Le frein à main tout à fait indépendant agit sur les roues AR seulement.
Les tambours de frein, excessivement rigides et munis d’ailettes de refroidissement, sont en acier traité à 160 kg. Quant aux mâchoires, elles sont également en acier nickel chrome et prises dans la masse, ce qui leur donne une grande rigidité et un faible poids.
La direction est une des parties les plus délicates de la voiture pour obtenir une bonne tenue de route, une grande précision à vive allure et une usure négligeable. Elle est à vis et secteur (la vis étant d’une seule pièce avec la colonne de direction) et transmet son mouvement aux roues par l’intermédiaire de leviers et bielles très rigides, les leviers étant fixés sur les fusées au moyen de plateaux. Pour améliorer l’épure de direction et enlever les réactions, les jumelles ont été placées à l’avant des ressorts.
Le réservoir d’essence de grande capacité (150 litres) se trouve dans la pointe AR, ce qui lui donne une forme assez compliquée ; il renferme un deuxième petit réservoir de secours, le passage de l’un à l’autre se fait facilement en marche au moyen d’un robinet à trois voies. L’essence arrive au carburateur sous pression, fournie au départ par une petite pompe à main et en marche par un pulsateur mu par le moteur et situé en bout d’arbre à cames. Le remplissage du grand réservoir et celui de secours, se fait par deux gros bouchons à démontage rapide.
Toutes les tuyauteries essence et d’huile sont, quoique rigides, étudiées pour éviter toute rupture aux déformations du châssis.
Le radiateur nid d’abeilles est monté à l’avant de l’essieu sur deux rotules; il est recouvert d’une fausse calandre inclinée dissimulant les mains AV. Son remplissage se fait par un bouchon caché sous le capot mais accessible sans lever celui-ci.
Toute la boulonnerie de la voiture est faite en acier spécial à 100 kg de grande résistance à l’allongement. Le moteur a été désaxé sur la gauche de 100 min (la direction étant à droite), afin de mieux équilibrer la voiture dans le sens transversal (le conducteur étant seul à bord) et en même temps pour donner à celui-ci un large et confortable siège et une place suffisante aux pédales.
La carrosserie faite en cornière de duralumin recouverte d’aluminium est en deux parties ; son poids total n’est que de 25 kg.
Le dessous de la carrosserie pour la résistance à l’avancement est absolument plat ; seul un passage permet l’entrée d’air allant au radiateur d’huile.
La voiture, au point le plus haut, est à 0,90 m du sol et le sommet du radiateur est plus bas que le haut des roues. La voie de 1,30 m, l’empattement de 2,50 m et une hauteur maximale de 0,90 ni font que la voiture a un aspect de solidité, de stabilité et de force, cela pour un poids à vide de 750 kg.
Le moteur donne en sécurité le maximum de chevaux ; la voiture, de maître-couple réduit, a un poids minimal allié à la résistance nécessaire; de cela découle une grande vitesse par rapport à la cylindrée et une rapidité d’accélération qui n’a pour limite que l’adhérence des roues au sol, puisque chaque cheval vapeur n’entraîne qu’un poids mort de 5 kg. »
Albert LORY, Ingénieur du service des courses automobiles DELAGE – COURBEVOIE.
Magnifiques documents félicitations à l’équipe de Patrimoine
merci, c’est surtout un coup de chance d’être tombé dessus et il me semble intéressant de le partager… Toute l’équipe, c’est à dire moi-même, est ravie que vous appréciez 😉
Bonsoir,
j’ai lu avec beaucoup d’attention ces articles, notamment celui rédigé par mon arrière-grand-oncle, Albert Lory (né à Vibraye) ; je souhaiterais, si possible, obtenir un fichier ou le magazine concernant la Delage 1500. Je collecte les données de ma famille, notamment du côté Lory. J’ai beaucoup de document sur l’Etoile filante (1956, A. Lory) si cela vous intéresse. Albert Lory a sa rue à Vibraye (il est encore plus connu pour l’Etoile Filante Renault, 1956).
merci de votre aide éventuelle
bonjour,
merci pour votre message. Je vois si je peux scanner le document (extrait d’un vieux magasine que j’ai récupéré, même pas complet…)et je reviens vers vous (laissez moi un peu de temps, je suis débordé en ce moment) 😉