avant de présenter celle qui s’est vendue au dernier Rétromobile (2016), voici un article concernant ce modèle, paru dans l’automobiliste de 1967:
Mes Brescia… (par Albert Peuvergne)
Tel est le nom générique attribué aux petites quatre cylindres à grand rendement qui rendirent célèbre le nom d’Ettore BUGATTI. Il englobe plusieurs séries, évolution d’un prototype dessiné en 1908-09 qui fut construit jusqu’en 1926. Sur demande, et bien que le type 40 ait officiellement remplacé les types 13, 22 et 23, les « BRESCIA » furent livrées par l’usine jusqu’en 1928.
L’AUTOMOBILISTE a publié dans ses numéros 1 et 2, une étude complète de ces châssis et de leur réglage. On peut cependant ajouter que les trois types principaux : n° 13, 22, et 23 ne différaient que par leurs empattements respectifs de 2 mètres (type course), 2 m 40 et 2 m 55 (types court et long). La voie était uniformément de 1 m 15, les rapports du couple conique de 14 x 45 à 14 x 48, et parfois de 12 x 50 et 13 x 45, suivant l’usage. Les pneus minuscules de 1910: 650 x 65 et 700 x 85 furent très rapidement remplacés par la dimension uniforme de 710 x 90, et les roues en bois de types antérieurs à 1912, remplacés par de classiques roues démontables « RUDGE ». Simultanément, le radiateur bien connu, en forme de poire, se substitua au nid d’abeilles sans originalité semblable à celui des PEUGEOT, DARRACQ et autres voitures contemporaines. Trois versions du radiateur BUGATTI dit BRESCIA se succédèrent, facilement reconnaissables sur les photographies de l’époque. Notons la parfaite réussite du dessin de 1908, puisqu’à l’exception des quarts de ressorts inversés à l’arrière du freinage avant, et du moteur à 16 Soupapes, ses caractéristiques se continuent vingt années durant. Sauf le moteur, ces mêmes caractéristiques se perpétuent sur tous les châssis jusqu’au type 59 T. Seule exception: abandon de l’embrayage à lamelles sur les modèles 57, dus au fils d’Ettore, Jean BUGATTI. Bien des fervents de la marque leur préfèrent d’ailleurs les autres types qui sont du « BUGATTI pur ».
Extrême rigidité du châssis, fortement entretoisé, douceur et précision de la direction, merveilleux embrayage et passage de vitesse sans heurts ni perte de temps, tenue de route parfaite, telles étaient les qualités révélées dès 1910, par ces nouvelles voiturettes, à une époque où la réunion de ces vertus était inconnue. Ajoutez un moteur sobre extrêmement nerveux et puissant, un bon freinage et une solidité à toute épreuve. Rien de surprenant au succès d’une voiturette qui coûtait pourtant le double de prix de ses contemporaines. En 1910: 5 voitures sorties, en 1911, 75, production freinée par la faible importance de l’atelier, malgré l’impatience des clients français ou étrangers. Les licences demandées aboutirent à la construction dans l’immédiat après-guerre, de châssis des types 22 et 23, par RABAG en Allemagne, DIATTO, en Italie et CROSSLEY en Angleterre, pays où dès son origine, les BUGATTI avaient rencontré un énorme succès. La production, rapidement croissante, activée par de spectaculaires succès en course (GAILLON, le VENTOUX, la SARTHE). BUGATTI, aussi remarquable pilote que constructeur, et FRIEDRICH l’emportaient partout. FRIEDRICH gagnait en 1911 le grand prix du MANS avec une voiturette de 65 x 100 mm; 1327 cm et se classait 2° en toutes catégories, battant de très grosses voitures. Si l’on songe aux faibles moyens d’une entreprise constituée depuis un an, ce succès donne lieu à réflexion.
ORIGINES. Ettore BUGATTI, issu d’une famille d’artistes connus, joignait sens esthétique et talent d’ingénieur. Il avait, comme FORD, davantage l’intuition et le sens des proportions mécaniques que des connaissances scientifiques mais ce flair infaillible et une longue expérience lui dictaient des solutions neuves, et la véritable ‘création’ des voiturettes de sport. Ses débuts furent marqués, à l’âge de 18 ans par la création d’un tricycle, puis d’une voiture expérimentale à quatre moteurs. Une autre voiture à quatre cylindres de disposition classique, attira sur lui l’attention des célèbres usines « DE DIETRICH » à Niederbronn, précurseurs de « LORRAINE DIETRICH », en liaison avec la firme marseillaise « TURCAT-MERY ». En 1902, le jeune BUGATTI, âgé de 21 ans, fut engagé par DE DIETRICH pour dessiner leur nouveau châssis. Cet engagement se termina en 1904, et Emile MATHIS, de STRASBOURG, qui était alors agent général des usines DE DIETRICH, et brillant ingénieur lui-même, s’empressa de s’assurer les services du jeune inventeur. Un petit atelier appartenant à MATHIS donna naissance aux voitures HERMES conçues par les deux associés. Elles étaient de trois types : 28 et 40 CV, destinées au tourisme et le modèle course 98 CV vainqueur de la COUPE du PRINCE HENRY. Une de ces voitures existe encore au musée de MONTHLÉRY. Leur dessin était conforme aux canons de l’époque: quatre cylindres, transmission par chaînes et la premières des caractéristiques si longtemps chères à BUGATTI apparaît: son embrayage à disques multiples dans l’huile, à leviers multiplicateurs.
Rompant son association avec MATHIS, BUGATTI cède en 1906 aux sollicitations de la Société DEUTZ qui désirait ajouter à la construction de ses célèbres moteurs fixes à gaz, celle des automobiles. Outre la conception et la direction des ateliers, BUGATTI se réservait la possibilité d’user du droit d’ingénieur conseil indépendant. Cette période féconde voit naître plusieurs innovations, en particulier la célèbre commande de la distribution par arbres à cames en tête, actionné par couple conique et arbre vertical, et ses poussoirs courbes, procédé qu’il fut le premier et le seul à réaliser. Le premier châssis DEUTZ connu est celui d’une 50 CV, quatre cylindres, pourvu de l’embrayage breveté, et d’une transmission à chaîne. Il est suivi d’une voiture similaire dite 13/25 CV de 3 litres 200 où se retrouve la même conception du moteur (sans doute à régime plus rapide, si l’on en juge par le volant allégé, le mécanisme ramassé, les tuyauteries courtes et de forte section). L’embrayage BUGATTI est suivi d’une boîte de vitesses dont le carter massif forme entretoise du châssis. Solution perpétuée sur tous les modèles BUGATTI à boîte séparée. La transmission s’opère pour la première fois par cardans doubles, et la célèbre bielle de réaction en tôle armée de bois fait sa première apparition. On ne sait si BUGATTI fut aussi le responsable de la petite voiturette ISOTTA FRASCHINI en liaison avec LORRAINE DIETRICH, dont le moteur muni d’un arbre à cames en tête porte une ressemblance extérieure avec le dessin classique de BUGATTI.
Pendant son séjour à COLOGNE, BUGATTI avait construit à son usage personnel dans la cave de sa villa, une voiturette dérivée des modèles plus puissants dessinés pour DEUTZ. Il avait été aidé par le fidèle FRIEDRICH qui avait quitté MATHIS pour s’attacher à l’étoile du « PATRON » qu’il servit jusqu’à sa mort. Remarquons en passant l’admiration, l’amitié et la fidélité que cet homme sut inspirer à ceux qui le servirent, sans parler de la passion que ses créations lui valent encore vingt ans après sa mort. Des hommes tels que FRIEDRICH, de VIZCAYA, MARCO, CONSTANTINI, ses ouvriers qu’il connaissait tous individuellement, ses représentants et clients s’attachèrent à lui de façon indéfectible. C’était peut-être un des derniers tenants du paternalisme libéral décrié par les technocrates glacés et les socialistes hostiles à tout contact humain. C’était un homme, avec ses qualités de cœur, de spontanéité, de courage qui contrebalançaient largement sa vivacité et son entêtement.
NAISSANCE DU TYPE 13. Sentant que la voiturette réalisée de façon si artisanale dans sa cave, comblait un besoin que ne pouvaient satisfaire ni les monstres coûteux, à l’usage des riches, ni les modestes voiturettes de mêmes dimensions, BUGATTI prit la décision de construire lui-même son enfant. En 1909, il dénoua ses liens et, financièrement aidé par le financier DE VISCAYA, père du célèbre coureur, et lui-même, enthousiaste usager de la nouvelle voiture, il loua une modeste teinturerie à MOLSHEIM. FRIEDRICH conte les débuts du PUR-SANG et ses fonctions de factotum chargé de l’embauche du personnel, de la mise en place du matériel et des essais, puis des courses.
Débuts bien modestes : trois dessinateurs venus de chez DEUTZ, quelques ajusteurs, tourneurs et mécaniciens se chargèrent de fabriquer de toutes pièces, fonderie exceptée, les éléments de la voiturette; il est temps d’en indiquer les caractéristiques:
Le moteur de 62 x 100, puis de 65 x 100 mm, avait déjà presque toutes les caractéristiques si connues. Muni de 8 soupapes, sa distribution était similaire à celles des modèles à 16 soupapes. Cependant le graissage se faisait par simple barbotage des bielles dans des augets alimentés en huile fraîche par un réservoir placé sur le tablier et soumis à la pression des gaz d’échappement. Le vilebrequin ne comportait que deux paliers montés sur billes, et le logement des soupapes dans la culasse était un peu différent, nécessitant le démontage des guides pour accéder aux soupapes. La disposition des conduits d’admission et d’échappement étaient également inverse de ceux des modèles plus récents. Toutefois le dispositif d’échappement en « mains de bananes » par quatre courtes tubulures se réunissant en une seule agissant comme source de dépression et de tirage forcé était déjà celui que conservera toujours la BUGATTI. Des ressorts arrière, disposés en quart de cantilever avec le point fixe à l’extrémité arrière, des longerons remplacent à partir de 1913, les ressorts droits primitifs. A cette même époque, le dispositif de graissage par barbotage est alimenté par un système assez complexe de trois pompes entraînées par l’arbre à cames et distribuant l’huile aux augets et à la distribution, en circuit fermé. La puissance et la vitesse du moteur sont accrus, passant respectivement de 2.300 (avec pointes à 3.000) Tours/Mn et 25 CV, à 3.500 Tours/Mn maximum et plus de 30 CV. La vitesse de la voiture passait de 85 à près de 100 KM/H.
M. POZZOLI et l’historien de BUGATTI, H .G. CONWAY décrivent en détail les divers types et leurs mutations, qu’il serait un peu long de rappeler dans ce bref sommaire. Je ne mentionnerai donc pas les types de transition 15 et 17 et passerai aux « BRESCIA » authentiques, m’arrêtant seulement à l’essai tenté en 1911 d’un châssis pourvu d’une caisse profilée et de deux moteurs de 1327 cm3, mis bout à bout et couplés par un joint de cuir. La vitesse de 139 KM/H fut atteinte, mais la boîte de vitesses céda pendant la course de côte de GAILLON en octobre 1912. Les progrès décisifs se situent en 1913. Après de multiples succès en course, la production de 1913 atteignait 175 châssis et une trentaine par mois au début de 1914. Les Anglais étaient particulièrement enthousiastes, comme en témoignent les résultats d’essais publiés par « THE AUTOCAR », « THE AUTOMOTOR JOURNAL » et autres périodiques. Cette même année voit les débuts du moteur à seize soupapes qui est celui qui gagna le titre de BRESCIA.
L’AUTHENTIQUE BRESCIA avait donc reçu sa forme définitive et ne devait connaître que de très minimes changements entre 1914 et 1926. Recevant suivant l’empattement les dénominations de types 13, 22 ou 23, il était animé par les organes mécaniques décrits précédemment par « l’AUTOMOBILISTE » et tels que les gravures le représentent.
En particulier, la forme de la culasse et de l’attaque de distribution est modifiée, simplifiant l’accessibilité des soupapes et permettant une chambre d’explosions sans recoins, avec les quatre soupapes logées symétriquement. Le vilebrequin porté désormais par trois paliers dont deux à billes, reçoit le graissage centrifuge désormais classique, alésage porté à 68 puis à 69 mm. Ainsi traité, sans augmenter le régime moteur, la puissance accrue permet les 110/115 KM/H. Soutenus avec une accélération stupéfiante, la consommation reste très minime, de sept à dix litres d’essence, suivant la vitesse, jointe à une grande économie de pneus. Bref, les remarquables qualités de la voiture sont accrues, tout en conservant celles de la souplesse, de tenue de route et de bonne suspension qui avaient déjà été l’apanage des modèles antérieurs. Un équipement électrique complète l’agrément. La dynamo entraînée par courroie est placée jusqu’en 1925 sur l’arbre reliant moteur et boîte de vitesse; sur le modèle 1925, elle est mue par une poulie en bout de l’arbre à cames et logée dans le tablier. Le démarreur trouve sa place sous la patte arrière gauche du moteur. Notons la simplification du circuit de graissage par pompe à engrenages unique, et l’incorporation du boîtier de direction au bâti du moteur, profitant du graissage sous pression. Rien autre de saillant à signaler sur le reste du châssis, sinon l’usage de freins avant interconnectés par câbles et un ingénieux palonnier différentiel. BUGATTI attendit l’année 1925 pour installer ces freins sur le type BRESCIA. Il avait pourtant inventé des freins hydrauliques montés sur ses châssis cylindrés deux litres du grand prix de STRASBOURG et sur son prototype trois litres exposé au Salon de 1921.
500 châssis munis du moteur à huit soupapes avaient été produits. Deux mille environ reçurent le moteur à seize soupapes; car la production de BUGATTI, presque uniquement centrée sur la voiturette de 1500 cm3, à l’exception des quatre cylindres de cinq litres « Black Bess » de 1912, dont la transmission finale s’opérait par chaînes, s’orienta après-guerre vers les types 30 et 35.
Le type BRESCIA ne le cédait en rien aux modèles deux litres huit cylindres de l’après-guerre, donnant des performances équivalentes avec un entretien moindre. A mon humble avis, il était mieux réussi que le type 40, à quatre cylindres, trois soupapes par cylindre qui lui succéda immédiatement, et dont les résultats n’étaient pas supérieurs. Entre les mains d’experts tels que Raymond MAYS; en Angleterre, le moteur était poussé à 6.000 et même 6.500 tours, sans ennuis de graissage ou de rupture avec gain de puissance correspondant. Elle fut la base de la réputation de la firme qui, grâce à elle, put construire une véritable usine et les célèbres types 35, 37, 39 et autres.
Quelques différences séparaient les engins de course, de ceux livrés à la clientèle. Les triomphatrices de BRESCIA possédaient un double allumage et deux magnetos placées sur la planche de bord, entraînées par l’extrémité de l’arbre à cames: les têtes de bielles étaient montées sur rouleaux et le rapport du couple conique réduit à 3/1. Puissance maximum atteinte à 3.400 Tours/Mn seulement. A partir de ce modèle, l’alésage fut porté à 69 mm, la course restant de 100 mm. En dehors de ces quelques engins spéciaux, de nombreux amateurs remportèrent maints succès avec des châssis strictement de série, battant les voitures de course de cylindrée supérieure, grâce aussi à leur maniabilité, et à leur robustesse.
B.B. PEUGEOT. Bien que différente des types 13, 22, et 23, on peut dire quelques mots de la voiturette dessinée pour PEUGEOT, dans un but utilitaire. Première à utiliser les quarts de ressorts inversés que BUGATTI n’installa que trois ans plus tard sur les autres modèles, sa technique était tout autre. Un moteur de 850 cm3 avec culasse en « T » et soupapes latérales mues par deux arbres à cames était couplé à un embrayage à cône cuir. Assez similaire au brevet SIZAIRE et NAUDIN, la transmission s’opérait par deux arbres concentriques attaquant alternativement deux jeux de pignons et couronnes fixés dans le pont. Un train intermédiaire assurait la marche arrière. Il est curieux de noter que BUGATTI, adepte de la boîte à quatre vitesses, a conçu trois ou quatre modèles pourvus de deux vitesses seulement, ce qui en dit long sur la souplesse de ses moteurs. Le prototype de 1911 comportait le radiateur original de BUGATTI. Ceux que construisit PEUGEOT, sous licence, avaient un radiateur du style de la marque. Ils étaient équipés d’une boîte de type classique à trois rapports. Ce modèle sortit à de nombreux exemplaires jusqu’à la Grande Guerre.
IMPRESSIONS PERSONNELLES
J’ai possédé pendant quatre ou cinq ans une « BRESCIA » du type 23, construite en 1924 et carrossée en bateau avec une place dans la pointe arrière. Au bout de deux ans, je fis transformer cette carrosserie par un artisan tôlier pour en faire un roadster à deux places, et simultanément, je fis adapter des freins avant, en remplaçant l’essieu par une adaptation qui respectait le carrossage et l’angle de chasse d’origine. En effet les Bugatti ont un carrossage très accentué qui leur donne une allure particulière quand on les voit de l’avant et qui contribuait à l’excellente tenue de route. La douceur de la direction était également redevable au choix judicieux de la chasse unissant absence de réaction sur le volant à une grande sensibilité. Ces qualités étaient d’autant plus remarquables que les voitures de la même époque pêchaient sur ces points. Presque toutes avaient des directions à la fois trop démultipliées très dures et fort peu précises. L’adoption des premiers pneus ballons n’était pas faite pour y remédier et il y eut bien des cas de shimmy irrémédiable, accru par des pneus et des roues non équilibrés. A.P.
Celle qui était à Rétromobile (Bugatti Type 13 de 1920, Châssis n° 981, Moteur n° 538).
Elle a commencé sa vie en étant une Diatto (sous licence Bugatti, comme expliqué dans l’article ci-dessus), type 23/27 (châssi 23 d’empattement de 2,55 m et moteur 27 de 4 cylindres, 16 soupapes) mais a perdu sa calandre rectangulaire de la marque pour une de chez Bugatti et son châssis est passé à 2m pour devenir un type 13…
Pour le reste, elle serait donc d’origine… :p
(estimée entre 360 et 420000€, elle est partie à 357600€)
et voici ce à quoi elle a pu ressembler à l’origine (ici une Diatto 22):
et en voici quelques unes en action (au Vintage Revival Montlhéry, VRM 2015)