Le site qui présente et fait revivre notre patrimoine automobile, principalement avant guerre et de marques françaises aujourd'hui disparues! (Lorraine Dietrich, Voisin, Salmson, Georges Irat, Delage, etc…). Venez redécouvrir ces autos exclusives, sportives et ces cyclecars…! ;)
pour rebondir sur les articles présentant l’Amilcar CV de 1922, ou CC de 1922, voici un article paru dans L’Automobiliste de 1967 présentant, sinon toute la gamme Amilcar, la gamme 6 Cv de la marque (CC, CS, C4). 🙂
La vogue du cyclecar est née, en France, d’une part d’un problème de reconversion de l’industrie et d’autre part d’une certaine forme de libéralisme fiscal vis à vis de la locomotion automobile.
Il faut bien tenir compte des prodigieux progrès accomplis, du fait de la Grande Guerre, par la métallurgie ce qui permit aux ingénieurs de proposer de petits véhicules légers parfaitement étudiés.
La loi de finance de 1920 définit ainsi le cyclecar : véhicule (3 ou 4 roues) pesant au plus 350 kg à vide, dont le moteur aura une cylindrée maximum de 1100 cm3 et comportant au plus deux places (y compris celle du conducteur).
Un strapontin pour le transport d’un enfant sera toutefois toléré.
La taxe à la circulation est fixée à 100 francs par an, d’une façon uniforme pour les véhicules servant au transport des personnes et 200 francs dans le cas d’un transport public des voyageurs ou des marchandises – A ma connaissance, il n’y eut jamais de taxi-cyclecar.
De tous les anciens grands constructeurs un seul se pencha sur le problème. Cependant cette formule fut très bénéfique à la construction française dans tous les domaines et une nouvelle clientèle, peu négligeable, fut touchée, sans parler de la publicité faite partout dans le vieux monde par les nombreux succès des cyclecars français.
Il est intéressant de se souvenir que lors des premiers Mille Miles en 1927, la catégorie 750 cm3 fut remportée par deux 5 CV Peugeot, et cela à 54 km/h de moyenne !
LES 6 CV
Ces trois modèles ont comme traits communs : la même architecture du moteur: un quatre cylindres en ligne à soupapes latérales – graissage par barbotage – refroidissement par thermo-syphon – boîte 3 vitesses à carter unique avec le moteur – Poids de l’ensemble 94 kg – vilebrequin sur 2 paliers – châssis en tôle plié en V de forme trapézoïdale – Embrayage à disques – pas de différentiel – Suspension par 4 ressorts semi-cantilevers.
Roues à rayons fils (Rudge ou R.A.F.) pour pneus de 700 x 80.
Type C.C.
Moteur 55×95, cylindrée 903 cm3.
Empattement 2 m 315 – voie 1 m 09.
Une seule carrosserie: un torpédo 2 places avec pare-brise, capote escamotable – éclairage électrique ou acétylène – Poids, y compris la roue de secours garnie, 348 kg.
Le démarreur et 4 amortisseurs HARTFORD étaient toujours facturés en supplément (pour respecter la réglementation du cyclecar). Ce modèle, tête de production de la marque, fut construit de 1921 à 1925.
Ce modèle reçu 2 châssis : le même que celui du C.C. pour les carrosseries à deux places puis un autre de 2 m 50 d’empattement fermé à l’arrière destiné aux caisses à trois places.
Sur le premier furent montés: le « Bordino » 2 places décalées à pointe de course, grandes ailes dites « gouttières », petit pare-brise en V puis le « Bateau » soit en lattes d’acajou verni avec le capot en aluminium bouchonné soit tout alu.
Le châssis long recevait des carrosseries 3 places en trèfle également en acajou verni et capot alu ou bien tout alu dans ce cas 4 « options » Peint-Brossé-Poli-bouchonné!
Tous ces modèles étaient magnifiques.
Vitesse du 2 places : 100 km/h et 7 I. aux 100. Sous ces deux formes le C.S. cyclecar en 2 places et voiturette en 3, fut construit de 1922 à 1925.
Type C.4.
Lorsque la législation codifiant le cyclecar, fut abrogée, durant l’année 1925, toutes les 6 CV reçurent en série amortisseurs et démarreur. A ce moment le châssis long du C.S. fut doté du 58×95 légèrement moins poussé et des caisses à trois et quatre places y furent montées; également une conduite intérieure 3 places (dont une en travers) et même un type « Petite livraison ».
Dans ma jeunesse j’étais ulcéré lorsque je rencontrais un de ces véhicules!
Un essieu en acier matricé remplaça l’essieu en bois armé en 1925; puis l’année suivante, les pneus « confort » furent adoptés. Cela préparait l’apparition des freins avant au salon de 1927. Malgré cela, le modèle vieillissait et sa fabrication fut arrêtée durant l’année 1929.
A. Hannoyer.
J’aime bien la dernière photo d’une ancienne Amilcar tirée par une « moderne » DS Citroën… 🙂
En page de couverture du magasine, une belle Panhard Levassor (sans soupape)
voici une très belle pub de Lorraine Dietrich dans le magasine de mode « Vogue » du 1er décembre 1926. Cette pub vante aussi l’élégance des personnages.
Comme quoi, ces autos étaient « à la mode » d’une part, et qu’on n’a rien inventé, le « co-branding » existait déjà… 🙂
Une torpedo 4 places, qui soit en même temps une voiture très confortable voilà ce qu’a réalisé Henri-Labourdette sur ce châssis 15 CV Sport, six cylindres, dont le moteur peut s’attaquer certains des plus fameux records du monde.
et voici pour l’encart « mode »:
DRECOLL
La jeune femme à l’arrière est vêtue de kasha beige. Elle quittera à l’arrivée la cape enveloppante pour ne conserver que le tailleur. La seconde voyageuse a glissé sur sa robe en crêpella rose fané une veste en laine shetland noire. (bon, là, j’avoue mon incompétence… 🙂 )
Je n’arrive pas bien à lire la signature mais je pense que ce dessin est de Jean PAGES, d’ailleurs, à part le montage, il ressemble beaucoup à celui-ci (on fait un jeu des 7 erreurs?) :
voici la présentation de la marque Salmson dans « L’automobiliste » n°4 de mai-juin 1967, par Antony HANNOYER . Il y a la première partie qui présenente les origines de la marque et les débuts dans les cyclecars mais je n’ai pas la suite…
C’est parti 🙂 :
A la fin du siècle dernier, Émile SALMSON exploitait, rue de la Grange-aux-Belles, à Paris, dans le XIe arrondissement, un atelier de fabrication de pompes pour la petite industrie.
Étant très ouvert au progrès, il comprit tout de suite ce que pouvait représenter pour l’aviation naissante, dans les années 1910, le projet d’un moteur pour aéroplane que lui présentèrent deux ingénieurs, Messieurs CANTON et UNNÉ.
Une Société fut immédiatement créée pour l’exploitation des « Brevets Système CANTON-UNNÉ »; un des principaux actionnaires était Monsieur BOUCHE alors directeur de l’Opéra!
La nouvelle société s’installa 3, avenue des Moulineaux, sur la Commune de Billancourt à un jet de pierre du fameux terrain d’Issy, et rapidement les moteurs SALMSON prirent place parmi les meilleurs.
Au début de la Grande Guerre les fameux » CANARD VOISIN » étaient équipés des moteurs P 7 et P 9 (80 et 100 CV).
Les besoins de l’aéronautique étaient évidemment très importants, aussi SALMSON prit-il un développement prodigieux, d’autant plus qu’une fabrication de magnetos fut entreprise dès les premiers mois du conflit. A la fin des-hostilités, SALMSON, à Billancourt, employait 6000 ouvriers (RENAULT, 11.000) et l’usine de replis de LYON-VILLEURBANNE, un bon millier.
Monsieur SALMSON disparut en 1917 et Monsietir HENRICH, un ingénieur des Arts et Métiers qui dirigeait l’usine de LYON, devint administrateur délégué de la Société que les fils d’Émile SALMSON quittèrent en 1919.
Le problème de la reconversion, le même pour toute l’industrie, se posa pour la Société des moteurs SALMSON qui, après avoir envisagé la fabrication de métiers à tisser, de machines à écrire, entre autres, se consacra aux machines à bois, à la robinetterie, aux moteurs d’avions commerciaux, à l’aviation légère, enfin à l’automobile.
Cela faisait beaucoup de choses…
Le premier véhicule construit dès 1920 était un cyclecar, le GN, dont la licence avait été acquise, anciennement, en ANGLETERRE, à l’instigation d’un nommé André LOMBARD, agent technique qui représentait à Londres, une firme de moyenne importance : Les Automobiles GRÉGOIRE.
Elaboré dans les années précédant la guerre par H.R. GODFREY et Archie FRAZER-NASH (le père des fameuses voitures des années 20), c’était un bi-cylindre de 84 X 98 (1086 cm3) à refroidissement par air et à transmission par chaîne.
Le contrat de licence pour la construction des GN par Salmson était d’une durée de trois ans: de juin 1919 à juin 1922. Son prix était raisonnable, cependant son succès fut très relatif, aussi la direction de SALMSON décidée à continuer l’expérience automobile accueillit-elle avec ferveur un projet de cyclecar à 4 cylindres.
Il va sans dire que lorsque le projet de l’ingénieur PETIT fut adopté, la fabrication du GN subit un ralentissement sérieux et cessa complètement durant l’été 1922.
Néanmoins la marque ne disparu pas du marché français car Messieurs THEVENET et GIOVANELLI, les plus importants agents sur la région Parisienne importèrent des véhicules d’Angleterre et les gréèrent au goût français.
Ainsi un cyclecar à 4 cylindres de 62 X 91 avec transmission acatène présenté au Salon de Londres fut introduit en France sous une forme hybride: châssis et caisse anglaise mais les droits de douane étant déjà élevés, le moteur utilisé était un 55 X 100 (950 cm3), sans doute le « Nova » de chez Cime.
Cet essai fut sans suite, cependant le bicylindre en V devenu à soupapes latérales de 94 X 98 (1360 cm3) et transmission également acatène continua à être vendu en France jusqu’en 1925.
Le prototype réalisé pour SALMSON en trois mois était à refroidissement à air, mais le Conseil d’administration ne voulut rien entendre, on ne sait pourquoi, de ce mode de refroidissement, aussi l’ingénieur PETIT dessina une autre culasse destinée à son petit moteur mais cette fois utilisant l’eau.
Engagé au mois d’août 1921, dans la sévère épreuve des 6 jours suisses, le prototype conduit par André LOMBARD termina sans pénalisation en remportant une médaille d’or et le prix du syndicat des commerçants de GENÈVE.
La Société des moteurs SALMSON tenait un engin qui allait lui assurer un avenir serein. La structure du petit cyclecar était assez voisine de celle du GN: voie 1,08 m (1,06 m) empattement 2,60 m (2,46 m), même type d’essieu tubulaire, en acier. Suspension AV et AR, par semi-cantilever, châssis en tôle d’acier emboutie. Transmission par cardan (pas de différentiel, freins sur les seules roues AR, évidemment roues fils.
Le moteur de 62 X 90 (1086 cm3) était un monoculbuteur à graissage par barbotage, vilebrequin sur deux paliers, boîte à 3 vitesses et marche arrière bien entendu.
Au salon de 1921 plusieurs carrosseries étaient proposées.
Une « tourisme » deux places, avec, entre autre, deux lanternes à essence AV et une lanterne AR. La roue de secours était en supplément. Prix : 8.900 F.
Pour 1.000 F de mieux, on pouvait obtenir le modèle-sport, avec pare-brise en coup de vent et petite pointe AR en derrière de canard.
En voiturette, un torpédo 3 places, un landaulet, conduite intérieure, un fourgon de petite livraison et une camionnette bâchée de 100 kg de charge utile.
Alors que LOMBARD cueillait les lauriers helvétiques, l’ingénieur PETIT faisait usiner une autre culasse, tenez-vous bien, deux A.C.T. commande desmodromique des soupapes…
Tout cela pour le 4 cylindres 62 X 90, bielles tubulaires, pistons en fonte et 33 CV à 3.800 tours.
Une voiture fut engagée aux 200 miles de BROOKLANDS mais une roue avant droite s’étant affaissée, elle ne put terminer que seconde, battue par un GN anglais – mais elle prit sa revanche le 16 septembre en gagnant l’épreuve des cyclecars sur le circuit de la Sarthe : 310 km en 3 h 32′ 9″ à la moyenne de 88 km/h.
Ce moteur, construit seulement à quatre exemplaires, allait se couvrir de gloire de 1921 à 1928, monté sur différents châssis, parfois même équipé d’un compresseur. C’est indiscutablement une des plus belles réalisations de l’industrie automobile française.
Le cyclecar et la voiturette AL furent construits sous la forme énoncée plus haut, durant toute l’année 1922.
Mais au Salon, la voiturette reçut un nouveau châssis avec ressorts semi-elliptiques à l’AV.
A ce même Salon de 1922, SALMSON présentait une 8/10 CV de 65 X 90 (1.250 cm3): Son moteur, simplement un 2 A.C.T … La compétition au service du Public ! – Culasse rapportée – Soupapes à commande classique – Villebrequin sur 2 paliers – Graissage par barbotage – Boîte à 3 vitesses – Châssis également classiques en tôle d’acier mais suspension curieuse à l’AR : deux demi-cantilever dont l’un inversé comme sur les BUGATTI.
La voie était de 1,20 m et l’empattement de 2,85 m.
C’est la première voiture de tourisme au monde ayant eu deux A.C.T. Elle fit une très honorable carrière cette SALMSON type D mais l’ingénieur PETIT ne voulut jamais en faire une version sport. Aussi a-t-elle seulement laissé le souvenir d’une voiture sans histoire; une bonne mécanique en somme.
N’oublions pas qu’elle fut à l’origine de toutes les séries de S4 de 1929 à 1952.
Dans un prochain article je vous entretiendrais de l’évolution du petit cyclecar et de la voiturette à la voiture, enfin, des magnifiques mécaniques de compétition et des innombrables succès des Salmson.
Brooklands Les 24 heures Les Trophés Armangué Les coupes Rudge-Whitworth Le Mans Miramas Montargis Les Acacias Le Bol Arpajon St-Sébastien La Targa-Florio
pour présenter la Georges Irat (Roadster Type MDS de 1936), vue au salon de Reims (Salon Champenois du Véhicule de Collection), quoi de mieux que cet ancien article de jacques Potherat de 1969
(L’Album du fanatique de l’Automobile)… 🙂
Voici donc (j’adore le style…):
Comme beaucoup de jeunes filles pauvres, elle eut, pour survivre, recours à la galanterie. Hélas, sous une élégance indéniable, elle dissimulait des dessous bien modestes. Malgré tout, elle était bien excitante…
Les affaires qui marchaient de mal en pis depuis quatre ou cinq ans, semblaient reprendre vers 1935. Les syndicats mobilisaient quand même leurs troupes, on n’en était pas encore au poing levé, mais cela n’allait pas tarder…
La réputation de Georges Irat, déjà bien entamée, s’évanouissait dans la fumée de ses dernières deux litres, bâtardes à souhait! Où était-elle passée la voiture de l’élite »? Inutile d’espérer un retournement de situation, personne, en cette période trouble, ne s’étonnait beaucoup de la disparition d’une marque d’automobiles: nombre de constructeurs, et non des moindres, ayant déjà mis la clef sous le paillasson. Les plus heureux se reconvertirent dans des industries plus lucratives (l’eau minérale, la machine agricole, etc…), les exemples abondent. Faute de finances, il n’y avait presque plus de clients pour la voiture de luxe, on en est déjà à « la machine à rouler » pour petits épargnants besogneux, signe de la promotion sociale du prolétaire. Il faut du bon marché, on va faire du « bon marché », ou crever.
La montagne qui accouche d’une souris
Lorsque, en automne 1935, Georges Irat lève le voile de mystère, qui, entretenu par la presse, entourait ses secrets préparatifs, on se rendit compte qu’il n’y avait pas de quoi « se taper le derrière par terre ». La montagne avait accouché d’une souris; et les vrais amateurs à qui l’on ne fait guère prendre des vessies, fussent-elles à traction avant, pour des lanternes, ne s’y trompèrent pas.
Le dépliant de la marque et certains articles de la presse spécialisée affirment à qui veut bien l’entendre « que les 5 et 6 HP qui viennent de sortir ne sont pasl’effet du hasard, mais le fruit de mûres réflexions » et que, « en raison de son passé et de la réputation sans ombre de ses voitures, Georges Irat ne pouvait assortir à son nom un à-peu-près ». Commentaires on ne peut plus dithyrambiques. Même si une douzaine de bonnes fées se penchèrent sur son berceau, la pauvre voiture accusera toujours quelques tares indélébiles et grossières.
Ses seuls atouts, elle en a quand même quelques-uns, sont une ligne élégante et une tenue de route fantastique. Mais, pour la finition, on était loin de la «réputation de classe et de qualité infailliblement engagée par Georges Irat». Les divers éléments de la carrosserie avaient une nette tendance à se désolidariser de l’ensemble, l’économie portant jusque sur les freins d’écrous, mais ceci est une autre histoire…
Il faut faire abstraction du passé de la marque et considérer cette production avec un oeil neuf, et un enthousiasme juvénile.
Le célèbre moteur Ruby, jouissant d’un prestige glorieux et parfaitement justifié
Il jouissait surtout d’un bon « coup de vieux », le célèbre et prestigieux moteur Ruby ! Après plus de quinze ans passés, sans même parvenir à s’offrir une culasse amovible, on était en mesure d’attendre de lui une bonne retraite. Il s’avéra cependant capable de performances honnêtes, tapant même le 120 dans la version 1100. Enfin, Georges Irat et les Etablissements Godefroy et Levêque, ayant fusionné, pour le meilleur et surtout pour le pire, il fallait bien écouler les stocks de moteurs. D’autre part on évitait ainsi l’étude et la mise au point longue et bien entendu coûteuse d’un moteur aux résultats incertains. Celui-là, on le connaissait, il était solide à condition de n’être pas brutalisé, économique et d’un rendement satisfaisant. Et puis, reprenons une fois encore les coups d’encensoir d’époque, si « le nom de Ruby classe la machine », pourquoi s’en priver !
Pour mémoire il s’agit d’un 950 cc (55 x 95) et d’un 1.095 cc (60×97), bloc borgne, soupapes en tête, culbuté. Le graissage s’effectue sous pression avec une pompe à piston et clapet à bille. A ce propos, il vaut mieux mettre ses lunettes et faire attention lors des vidanges: le bouchon du carter et la pompe à huile sont côte à côte, si vous faites une erreur, vous passerez quelques temps à quatre pattes pour récupérer la bille, une bille ça roule bien et loin. L’huile recommandée? 20-30 l’hiver et 30-40 l’été. Arrosez bien les culbuteurs, pendant que vous y êtes, cela ne leur fait pas de mal ! La puissance est variable, il faut compter 30 Hp à 3.300 tours en moyenne. Vous pouvez monter deux carburateurs (un à chaque bout) ou un seul à l’arrière. Le compresseur, je ne vous conseille pas. Pourtant la marque exposait au Salon un modèle équipé d’un Cozette n° 6, et le catalogue inscrivait des performances prometteuses. La fragilité de l’embiellage me permet d’affirmer qu’il n’y eut guère de suite à cette réalisation, pour le moins aventureuse.
Il est intéressant de noter, pour petite histoire, que le catalogue qui annonçait 120 et 130 de vitesse de pointe, a été surchargé d’une rectification plus réaliste de 110 et 120, pour chacun des types.
Pour les amateurs avertis, j’ai dans mes carnets quelques petites recettes de « gonflage », confidences des Ets François, ex-concessionnaires. Avec ces réglages et modifications ils obtinrent de notables performances.
Le refroidissement est à eau, par thermo-siphon (que les béotiens notent qu’il s’agit d’un principe et non d’un instrument, un thermo-siphon ne s’achète, ne se démonte, ni ne se bouche…). C’est là que le bât blesse… Sur route, aucun problème, même par fortes chaleurs, mais dans la circulation urbaine, c’est le geiser continuel. Une pompe et une boîte à eau rapportées ne sont pas du luxe. Un petit radiateur d’huile, style 2 ch, s’adapte très bien et rend de grands services.
Encore une fois c’est un mauvais moteur pour celui qui le maltraite.
L’acheteur pourra émettre un seul doute: la parfaite tenue du dispositif de traction avant
Mis à part la fragilité évidente des flectors, et encore ceux-ci ne cassant jamais du jour au lendemain (il y a toujours une période intermédiaire d’effilochage facilement décelable), il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure. Le débattement des roues est très bon, la suspension suffisante, le rayon de braquage exceptionnel pour une traction avant. Un carrossage impressionnant, confère à la machine un air méchant que lui envieraient bien des voitures de l' » artiste milanais ».
La boîte-pont fait bloc avec le moteur inversé. Deux gros ressorts à boudin coulissant dans un boîtier en bronze, assurent la suspension avant. La suspension arrière est réalisée au moyen de leviers articulés, combinés à des cantilevers. Plus tard on remplaça les ressorts arrière par des anneaux Neiman. Au moment décadant des calandres « boule », les colonnes de bronze cédèrent également le pas aux anneaux de caoutchouc. Ce fut le début d’une série de déboires qui pour certains n’est pas encore terminée…
Traction avant, et quatre roues indépendantes, toutes les conditions réunies pour une tenue de route redoutable. Seul un manque de performances dans les côtes, un effondrement total (moins sensible sur le modèle à quatre rapports) peuvent lui être reprochés. La vitesse de pointe était et est encore satisfaisante; les petites routes étroites et sinueuses sont bien agréables. On entre dans un virage, l’arrière glisse, un coup d’accélérateur judicieux et on est sorti… Grisant !
Les clients attendaient à la sortie des ateliers
Sans aller jusqu’à imaginer une foule innombrable, faisant la queue devant les ateliers, attendant que Georges Irat distribue la « manne céleste » à quelques rares privilégiés, il faut bien admettre que cette voiture rencontra un certain succès, même si un journaliste coupable de la phrase mise en inter-titre se laissait un peu porter par la vague de son imagination ou d’un petit banquet bien arrosé… On peut estimer à plus de mille, le nombre d’exemplaires construits. Bien plus que n’en firent nombre de marques plus prestigieuses.
Deux styles de carrosserie étaient proposés à l’aimable et impatiente clientèle: un roadster spartiate, assorti d’un confortable, voire luxueux cabriolet. Il paraît même que les Ets François auraient sorti un exemplaire unique d’un faux cabriolet ou d’un coupé. Nulle trace n’en subsiste.
Le cabriolet, classique, possédait bien entendu une capote articulée, des vitres latérales montantes et un pare-brise rabattable. De construction orthodoxe, beaucoup de bois entrait dans sa composition, il était lourd (environ deux cents kilos de plus que le roadster. Evidemment il était moins rapide (ou plus lent, c’est une question d’appréciation !)
Incontestablement, le roadster est le plus beau. C’est la George Irat par excellence. Son équipement rustique et sa porte unique le rendent sympathique dès le premier abord. Le long capot, copieusement louvré, y est pour beaucoup, mais si on le soulève, quelle déception ! Il y a de la place pour un douze cylindres. Néanmoins au volant on oublie tout, séduit.
Le châssis de conception classique, la carrosserie assure la rigidité de l’ensemble, un peu style châssis-coque. La carcasse de la carrosserie métallique, formée de tubes soudés, reçoit la tôle bordée et soudée. Trente ans après, rien ne bouge. Le tout pèse 660 kg, ce qui assure un rapport poids-puissance satisfaisant.
Les dimensions: 1,30 m pour la voie avant et 1,20 m pour la voie arrière, l’empattement de 2,50 m. L’habitabilité est impressionnante, trois personnes tiennent à l’aise sans se gêner. Avec le changement de vitesses au tableau de bord, il n’y a pas d’encombrante console centrale.
Le «vaste coffre arrière reçoit un bagage imposant, point fort intéressant pour les touristes et les voyageurs». Il reçoit également la batterie ce qui cause parfois d’inquiétantes surprises, quand, arrivé à l’étape vous sortez vos valises rongées par l’acide… « Les généreuses proportions de sa carrosserie l’apparentent pour le confort et l’aisance des occupants aux grosses voitures ». Ne vous l’avais-je pas dit ?
Lorsque Satan fourbissait ses tentations les plus perfides…
Il y a presque une vingtaine d’années, les bons pères de St Ferdinand des Ternes essayaient de m’inculquer quelques rudiments de catéchisme, il n’était pas rare que’ ma foi chancelante fut ébranlée par la proximité (en face) du garage François. Quand Satan utilise de telles armes, qui résisterait ? Je séchais volontiers pour aller m’installer dans les voitures des clients encore nombreux.
Plus tard, lorsque Germain Lambert tenait boutique à la « Boule de Nanterre », nous nous retrouvions, un petit groupe d’adolescents boutonneux, autour des roadsters qui excitaient notre convoitise. Avec un permis tout neuf, nous avons sillonné les routes de Saint-Germain à Sartrouville, fiers comme des paons au volant de nos voitures « sport ». Si l’une d’entre elles eut une fin malheureuse, les deux autres continuent allègrement leur carrière…
Une Georges Irat, ça marche, ça marche même très bien, à condition d’en prendre soin. Il serait vain de la comparer avec une voiture actuelle, néanmoins elle est capable de soutenir une bonne moyenne sur route. Contrairement à la majorité des voitures anciennes, elle ne semble pas handicapée par la circulation routière actuelle (on est en 1969…), possédant assez de ressources pour doubler, et puis les freins freinent.
Puisant sans vergogne dans les chroniques de Max End, je ne peux que lui laisser le mot de la fin, c’est la moindre des choses: « Certains sportifs qualifient d’amusantes les voitures qui, comme l’on dit, se défendent sur la route. Je ne trouve pas que ce terme s’applique bien à la Georges Irat; c’est plus qu’une voiturette amusante… Elle n’est pas non plus un compromis… Il y a toujours quelque chose qui cloche dans un compromis. Comment la qualifier ? Essayez la ».
J. POTHERAT.
Pour revenir à celle ici présentée (n° 1256), il s’agit donc d’un roadster type MDS (Moteur RUBY 6 CV type DS (1100 cc), boîte à 3 vitesses, comme vous l’avez tous compris, traction avant, 4 roues indépendantes et freins à câbles. Vitesse de 110 Km/h environ…
Environ 600 Georges Irat à moteur Ruby ont été fabriquées entre 1935 et 1939 et environ 120 exemplaires à moteur Citroën en 1939.
Voici un article des années ’70 qui présente la Darracq V8 de 1905, son histoire et ses records.
Il s’agit bien sûr de celle qui était présentée au dernier Retromobile (2016) et dont le propriétaire a la bonne idée de se servir pour faire des courses ou des rallyes (elle a bien été créée pour ça, non?) 🙂
Avant les photos et la vidéo, voici l’article:
LES DAMES DU TEMPS JADIS…
La grande voiture Darracq qui servit en 1908 d’expérience à Sir Algernon Guinness datait de 1905. C’était une 8 cylindres en V, alésage 160 mm, course 140 mm. Cylindrée : 22 518 cm3. Deux soupapes en tête commandées par tige de culbuteurs sur chaque cylindre. Allumage par magnéto. Puissance maximale: 200 ch à 1 200 tours/minute. Transmission par embrayage à cône. Boîte à 2 vitesses. Commande terminale par cardan. Roues à rayons. Poids : 1 000 kg.
Les deux grandes concurrentes de ce modèle étaient, à l’époque, une voiture anglaise, la Napier, et une voiture à vapeur, la Stanley. La Napier avait un moteur de 6 cylindres pour une cylindrée de 14 934 cm3 et une puissance maximale de 90 ch ; poids: 980 kg. Elle datait également de 1905. La Stanley à vapeur avait été construite en 1906 ; elle possédait 2 cylindres avec une cylindrée de 3 375,72 cm3. Son poids total était de 994,33 kg. La Napier atteignit en 1905, à Daytona, la vitesse de 168,381 km/h. La Stanley, cette même année, parvint, pour la première fois au monde, à pulvériser 200 kilomètres-l’heure et enregistra, également à Daytona, la moyenne étonnante de 205,404 km/h.
Ces 205 km/h établis par le champion Mariott, le premier homme à franchir ce cap des 200 kilomètres, demeurèrent inégalés pendant une durée de plus de trois ans, les tentatives faites entre-temps n’ayant pas été officialisées. Cette Stanley fut le dernier engin mû à la vapeur qui s’attaqua au record de vitesse sur terre.
8 CYLINDRES en V, 195 Km/h !
DEUX hommes avaient osé s’asseoir au volant : le pilote, Sir Algernon Guinness, et son mécanicien, E. Bart. Le temps semblait clément. La longue plage de sable de Saltburn, en Grande-Bretagne, était déserte. Les chronométreurs étaient à leur poste. Le pilote mit le contact de l’énorme machine conçue dans les ateliers d’un ingénieur français installé à Suresnes, Alexandre Darracq: l’engin aux 8 cylindres gronda, puis démarra brusquement dans la poussière. En quelques accélérations. il parvint à atteindre la fantastique vitesse -on était en 1908- de 121,6 milles. soit 195,654 km/h ! Malheureusement, les chronométreurs n’étaient pas ceux de l’organisme officiel habilité à enregistrer les records de vitesse absolue sur terre. Sir Aigemon Guinness avait donc couru pour l’honneur: si celui-ci était sauf, la petite histoire enregistrait l’envolée de la grande Darracq. Celle-ci avait été créée en 1904, pour s’attaquer au record envié par tous les constructeurs du moment.
Le record du monde de vitesse terrestre signifie la vitesse absolue la plus élevée, jamais établie par un véhicule à roues, suivant les normes des règlements internationaux, pour un temps donné. Dès les origines, deux titres étaient recherchés:
1) le. record du mille lancé soit la vitesse la plus élevée, pour un temps donné sur une distance d’un mille, mesurée, le départ étant donné après une course lancée (l’expression « départ lancé » signifie que le coureur monte sa vitesse sur une distance aussi longue qu’il le peut, avant d’aborder le mille étalonné) ;
2) le record du kilomètre lancé, soit la vitesse la plus rapide, en un temps donné sur un kilomètre étalonné, départ lancé.
Dans cette âpre bataille des records, Alexandre Darracq s’était distingué dès 1904. Mais, qui était-ce ? Un technicien, brillant ingénieur qui avait d’abord débuté dans la fabrication de matériel de cave, allant des casiers métalliques aux appareils à boucher les bouteilles. Mais il abandonna vite son activité vinicole pour la remplacer par la fabrication des bicyclettes. Sous l’étiquette « Gladiator », une sensationnelle équipe de champions cyclistes de fond et de vitesse, sur piste et sur route, imposa la marque. En 1897, les usines de Suresnes étaient créées. Elles exploitaient la marque « Perfecta » avant d’adopter définitivement le nom de leur créateur. Désormais, les Darracq étaient présentes sur tous les circuits. On était en 1903. Auparavant, deux marques françaises avaient imposé leur nom au fronton du record de vitesse absolue : Mors et Gobron-Brillié. Mors avait dépassé 136 km avec un jeune pilote dont le nom allait se transmuter en emblème : Charles Rolls. Le 21 juillet 1904, Gobron-Brillié arrachait le titre à Mercedes en portant le record à plus de 166 km/h. C’est alors qu’intervint Alexandre Darracq. Son bureau d’études avait conçu un bolide, toutes mécaniques dehors, de 4 cylindres, 100 ch, 11 259 cm3. Le 13 novembre 1904, sur la plage d’Ostende, le pilote Barras offrait à Darracq le record de vitesse absolue en portant celui-ci à 168 km/h. Toutes les jeunes marques briguaient le titre, de Mercedes à Fiat, de Ford à Benz ; chacune fabriquait son monstre. Parfois le record demeurait à peine un mois chez le constructeur. Avant qu’il n’ait eu le temps d’exploiter sa victoire dans ses campagnes de publicité, un concurrent le coiffait au poteau. C’est pourquoi, sans attendre, Alexandre Darracq mit en chantier un modèle encore plus puissant, capable d’espérer et d’affronter les 200 km/h.
SUR UNE ROUTE DE PROVENCE…
Le 1er janvier 1905, un pilote célèbre, Victor Hémery, portait le kilomètre lancé à 176,42 km/h et battait le record existant sur les véhicules à 4 roues. Il pilotait pour la première fois cette énorme version 200 ch avec laquelle il réalisa 20,4 secondes. La tentative se déroulait sur la route d’Arles à Salon-de-Provence. Le succès de cette démonstration fut tel qu’il aida la marque à s’implanter dans de nombreux pays. Pour appuyer sa campagne de lancement en Grande-Bretagne, Darracq fit traverser la Manche à sa « 200 ». C’est ainsi qu’à Saltburn elle dépassa officieusement les 200 km/h en 1908. Pour bien marquer la différence qui existait à l’époque (et qui subsiste toujours) entre ces précurseurs des dragsters, préparés en vue d’une épreuve unique mais décisive, et les voitures de courses, rappelons, à titre de comparaison, qu’en 1908 le Grand Prix de I’A.C.F., à Dieppe, vit triompher Mercedes qui boucla les 770 km ‘à la moyenne de 111 km/h.
Réalisé par Michel IATCA. (Dessin publié avec l’accord d’Autocar.)
… et voici sa présentation à Rétromobile:
Voici la fabuleuse histoire de la Darracq V8
A notre époque la plus part des constructeurs automobiles construisent des véhicules qui ont la capacité de rouler à des vitesses élevées, mais qui se souvient du jour ou, pour la première fois, une automobile à frôler la vitesse mythique des 200 kilomètres par heure. L’événement s’est déroulé aux Etats Unis en Floride il y a 110 ans. A cette époque, les constructeurs se rivalisaient sur le champ de bataille de la vitesse pure. En 1905 dans les ateliers Darracq à Suresnes c’était l’effervescence, l’ingénieur mécanicien Ribeyrolles accoupla 2 blocs moteurs 4 cylindres sur une base commune et créa ainsi un énorme 8 cylindres en V dans l’espoir de pouvoir aller plus vite que les autres.
C’est à la fin du mois de Janvier 1906 que le pilote français Victor Demogeot démarra l’énorme moteur huit cylindres en V de sa Darracq. Cette impressionnante automobile française représentait la puissance mécanique à l’état brut. Son châssis nu sans freins à l’avant, offrait deux places assises et l’absence totale de carrosserie laissait à l’air libre le gros moteur V8 surmonté de son réservoir d’essence en forme d’obus. Après un court instant de chauffe Victor Demogeot poussa la manette de l’accélérateur à fond. Dans un bruit de tonnerre le gros V8 de 25 litres et demi de cylindrée lâcha ses 200 chevaux et s’élança sur la piste de terre pour atteindre la vitesse de 197 km/h. Cette voiture mythique fera de nouveau entendre le son rageur de son énorme V8 en démonstration extérieure.
Les photos (et après, la vidéo):
avant la vidéo, on la voit ici en 1906 pour célébrer 3 victoires aux meetings du kilomètre de Dourdan, Gaillon et Origny-Sainte-Benoîte, en côte et en palier… (pilotée par Lee Guiness)
et voici un peu de bruit… 🙂
on la voit aussi dans le coin de cette affiche (affiche qui commémore, modestement, la victoire de Victor Hémery à la coupe Vanderbilt de 1905)…
La FIAT rouge, visible sur les photos en arrière plan est la fameuse FIAT S76 de 1911 qui était aussi en démonstration.
voici un article (de 1974) sur la Voisin C24 Carène de 1934. Le « clou » de cet article étant l’éclaté de cette auto dessiné par Serge Bellu! (en bas de page) 🙂
(malheureusement, je n’ai récupéré qu’une partie de l’article et non pas le journal complet et il en manque une partie… Ceci ne me fera pas bouder mon plaisir de lire et partager le reste 🙂 )
Il y a trois mois Gabriel Voisin s’éteignait (voir AJ n° 1 /74 (et l’article date donc de fin mars 1974)). Pour lui rendre hommage nous présentons aujourd’hui l’une de ses productions les plus caractéristiques : la C24 Carène. Caractéristique, car elle porte en elle tout le non-conformisme de son créateur.
Les automobiles Voisin sont parvenues aux avant-postes de la célébrité dans le sillage d’une clientèle très bigarrée. A l’origine, les sérieuses automobiles de Gabriel Voisin constituèrent le parc de l’Elysée, sous le mandat d’Alexandre Millerand, et celui de la cour de Yougoslavie. Anatole France, glorifié par son prix Nobel, parcourut les dernières années de sa vie au volant d’une digne limousine Voisin. Ainsi donc Gabriel Voisin se fraya d’abord un passage au milieu d’un public aristocratique, pris jusque-là entre Hispano-Suiza, Panhard, Renault, et quelques autres. Mais bientôt, les caisses inouïes de Gabriel Voisin, drapées d’aluminium et d’écossais, ne tardèrent pas à séduire un monde plus artiste. Rudolf Valentino tout gominé, Maurice Chevalier chapeauté de son canotier ou encore Joséphine Baker couverte de plumes projetèrent les Voisin sous les feux de la mode.
De Maxim’s aux planches de Deauville, les automobiles Voisin menèrent la même vie de faste et d’aventures que Gabriel Voisin au cours des années folles.
Et pourtant, les Voisin ne firent aucune concession à la mode, suivant inéluctablement l’imagination créatrice de Gabriel Voisin. Rouler en Voisin exigeait une volonté de se démarquer du lot des automobilistes. La Carène se situait résolument en marge de ses concurrentes qui se nommaient Bugatti 57, Delage D8, etc. En 1934, il faut être un inconditionnel des automobiles Voisin pour goûter leurs rigides formes anguleuses tandis que déferle sur l’Europe la vogue aérodynamique. Aucun arrondi ne vient adoucir les arêtes vives de la caisse en aluminium (qui ne pèse que 280 kg !); jusqu’au pare-brise désespérément vertical, jusqu’aux malles amovibles placées sur chaque marchepied. Une visibilité hors pair et un sens pratique aigu, encastré dans toutes les exubérances du style permettent à la Carène d’échapper à tout jugement subjectif et en font un objet intemporel.
Ce sont des charmes uniques qui parvenaient à convaincre une élite originale et fortunée de débourser 95 000 F (soit aujourd’hui 82 000 F) pour une automobile à la mécanique toute raisonnable. Comme toutes les Voisin (sauf les C30), la C24 utilise un moteur sans soupapes du type Knight à distribution par doubles fourreaux concentriques. La boîte de vitesses proprement dite comporte deux rapports mais le tube de poussée du pont porte un relais électro-magnétique (Cotal) donnant deux vitesses supplémentaires commandées par un taquet disposé sous le volant. Le châssis surbaissé, outre qu’il procure une silhouette élancée au véhicule, mérite que l’on s’attarde sur deux points: les freins sur les quatre roues assistés par un servo Dewandre, et les ressorts de suspension arrière qui — sur le modèle 1934 — sont reliés au châssis non par une jumelle mais par une glissière.
Voilà donc une technique très conservatrice pour 1934. Il est vrai que ce châssis 17 CV C24 surbaissé était né deux ans plus tôt et qu’il dérivait de la C23 présentée en mars 1931. La 17 CV marque un tournant dans la production Voisin car elle est la réaction immédiate de Gabriel Voisin quand la crise est venue ébranler à jamais l’équilibre et la prospérité des usines Voisin. C’est peut-être pour cela que la Carène hésite de façon peu commune entre l’originalité et l’austérité.
En prenant les commandes de la C24, je me sens à l’aise. Tout simplement. J’enserre (tendrement) le volant de fort calibre; plus loin, en avant du pare-brise, j’observe (béatement) les deux ailes élancées de la «Cocotte». Le moteur sans soupape «à distribution par double fourreau concentrique» est fait pour ne pas déranger la nature. Discret. Des routes étroites qui longent la Saône, l’hiver qui n’en finit pas d’être doux; mais le goudron de la route est en trop. On imagine volontiers des cailloux, des flaques, et la trompe de la Voisin à la traversée des villages. Ambiance démodée mais chic puisque les Voisin étaient destinées aux gens comme il faut et aux aristocrates. Elles ne plaisantaient pas avec les bonnes manières.
La C.24 n’est pas la plus merveilleuse des Voisin loin derrière cette fabuleuse Diane construite à quelques exemplaires en 1930, exemplaires aujourd’hui perdus corps et biens. La C24 mérite tout de même des accessits sérieux bien que son esthétique anguleuse sonne en ’34 l’heure de la retraite (on n’était pas loin de l’Aérosport, carrosserie ponton). En revanche, les idées techniques qu’elle proposait au client méritaient une attention de première qualité, comme on va le voir. Fruit des concepts esthétiques de Gabriel Voisin elle garde par sa caisse surbaissée une élégance caractérisée due au parfait équilibre et à l’harmonie des lignes. Pour certains, mélange outrageant de finesse et d’austérité. Soucieux de côté plastique, G. Voisin n’en n’oubliait pas moins les impératifs pratiques que les constructeurs d’alors gardaient négligemment dans un recoin de cerveau : outre le coffre à bagages arrière classique, deux malles d’appoint faisaient corps avec les marchepieds. Entièrement en aluminium comme l’ensemble de la carrosserie, l’un et… (il manque la dernière page… 🙁 Si quelqu’un l’a, ça m’intéresse 🙂 )
LE BEAU EST TOUJOURS BIZARRE
Nous ne reviendrons pas sur le génie de Gabriel Voisin cette affirmation s’apparente à un lieu commun. Gabriel Voisin a produit trente types d’automobiles entre 1919 et 1939. Si cet éminent ingénieur ne rechignait pas devant les audaces mécaniques, ce sont avant tout ses talents de carrossier qui l’ont propulsé à l’avant-garde de l’automobile. Nous avons donc choisi les quatre grandes étapes de l’évolution de la stylistique de Gabriel Voisin.
1 – La lumière entre dans les automobiles:
Après avoir produit quelques austères carrosseries, Gabriel Voisin crée en 1925 une carrosserie surnommée « lumineuse » qui tranche nettement sur les modèles contemporains. La surface vitrée paraît en effet très généreuse grâce à des montants très minces et des vitres inclinées. Pour la construction, Gabriel Voisin innove en utilisant l’aluminium pour ses caisses et en excluant toute surcharge en bois pour le châssis. Ainsi naquirent la visibilité et la légèreté en matière automobile.
2 – L’élégance dans la rigidité:
Dès le début, Gabriel Voisin a donné à ses automobiles des silhouettes anguleuses à l’extrême. Honnêtement plusieurs d’entre elles choquaient le bon goût, mais en 1929, il présente la Simoun qui restera le summum de la production Voisin. L’ensemble est un prodige d’équilibre. La garde au sol réduite, le dépouillement des surfaces latérales libérées de toutes moulures, les proportions idoines de chaque ligne droite, tout concourt à l’harmonie de cette impressionnante automobile.
3 – La résurgence de l’aéronautique:
En 1934, les productions Voisin changent totalement de style. Les berlines sont nanties d’une carrosserie aérodynamique qui s’inspire du profil en aile d’avion. Les ailes, la ceinture de caisse et la ligne du toit suivent ainsi une courbure continue tout au long de l’Aérodyne. Etrangement la calandre demeure verticale. Malgré ses progrès aérodynamiques, cette Voisin reste fidèle à un style droit et anguleux.
4 – Un pas vers le futur avec le ponton.
En 1936, Gabriel Voisin va encore plus loin dans sa révolution aérodynamique. Pour la première fois, une voiture de série est habillée d’une carrosserie « ponton » c’est-à-dire avec les ailes totalement intégrées à la ligne. C’est une énorme nouveauté et même si la réalisation s’avère plutôt laide (je ne suis pas d’accord… 🙂 ), elle annonce les formes des années cinquante. Ce fut le principal grief que l’on formula à Gabriel Voisin, d’avoir passé sa vie à l’avant-garde du progrès.
La C24 Carène qui a servi de modèle, longtemps la seule répertoriée en carrosserie coach 2 portes 4 glaces, a été sauvée de la démolition par Henry Malatre et est encore exposée dans le musée de Rochetaillée.
Il en existe une deuxième connue, son propriétaire était connu mais elle a disparu suite à une vente aux enchères dans les années ’80/’90… Quelqu’un sait-il ce qu’elle est devenue et où elle est aujourd’hui?
voici encore un ancien article, sur une Voisin, une C15 (en fait, il s’agirait plutôt d’une C24, d’après Philippe Ladure, président des « Amis de Gabriel Voisin »).
C’est d’ailleurs plus cohérent avec l’année de la voiture… ) de 1934 carrossée en Roadster (par les Ets Saliot) avec une approche à l’exact opposé des idées de Gabriel Voisin… Néanmoins, elle a le mérite d’exister et voici donc un point de vue la concernant (dans les années ’70) par Jean-Loup Nory:
En vertu d’un puritanisme parfois abêtissant, de nombreux fanatiques ne considèrent la voiture ancienne comme digne d’intérêt que lorsqu’elle a été entièrement fabriquée de main de maître. Cette Voisin par exemple, si elle possède un châssis C.15 conçu par Maître Gabriel Voisin, n’en perd pas moins, à leurs yeux, son caractère fabuleux du fait d’une carrosserie anodine, étudiée et réalisée par un obscur carrossier indigne des divagations surréalistes du grand maître du « sans soupapes ». Cette manière de voir les choses rejoint l’esprit contestataire, indépendant et entier de Gabriel Voisin considéré, à tort ou à raison, comme l’émule de Le Corbusier.
Ingénieur français, Gabriel Voisin commença à mettre en pratique ses idées révolutionnaires dans l’aviation. Puis, venant naturellement à l’automobile, il lui appliqua ses principes avec autant de brio que de réalisme. (Par fidélité à ses premières amours, il appellera ses voitures Avion-Voisin.) Il fut constamment à la pointe du progrès, de l’ingéniosité, et le fervent défenseur des techniques de pointe poussées au paroxysme: tous ses moteurs comprenaient la distribution dite « sans soupapes «, c’est-à-dire à fourreaux mobiles suivant les brevets Knight.
Ses dessins de carrosseries révolutionnèrent également le monde automobile que les spécialistes de l’époque considérèrent démentiels, farfelus, et que les « vieilles barbes enfermées dans des concepts désuets regardaient comme l’oeuvre d’un désaxé.
Donc, ce modèle C15 est une demi-production Voisin; la carrosserie, en effet, fut exécutée par les Etablissements Saliot (Levallois) à la demande d’un particulier peu enclin à goûter les fantaisies de Voisin en matière de carrosserie et désirant une ligne unique et originale. Unique, certes, mais pour l’original, la polémique est ouverte; elle abandonne les formes anguleuses et les surfaces vitrées impressionnantes, chères à Voisin. Alors, pour contenter d’une part les mordus de mécanique Voisin et, d’autre part, les enragés du long capot classique, il faudrait couper la poire en deux en examinant séparément le châssis et la carrosserie; la dilection que portent les uns au châssis, additionnée d’un dégoût prononcé pour une telle carrosserie, n’empêche pas les autres de voir d’un oeil tendre l’eurythmie, de cette voiture unique.
Les caractéristiques du modèle C.15 révèlent des solutions techniques intéressantes. Outre le moteur sans soupape de 2 litres et demi, 6 cylindres en ligne de 13 CV alimenté par 2 carburateurs Zénith de 26, on trouve pour la transmission une boîte de 2 vitesses avec convertisseur en bout de boîte. Le pilote a donc l’avantage de ne passer que deux vitesses et de bénéficier de 4 rapports. Voisin a dessiné une direction très directe à vis sans fin. Le système de freinage, classique, comporte 4 tambours avec système à câble, assisté par un servo à dépression du type hydrovac. Le démarreur et la dynamo sont groupés dans un boîtier unique qui reçoit le nom de Dynastart. Si l’ensemble suspension-amortisseurs ne présente pas de particularités frappantes, il faut tout de même noter un réglage indépendant des amortisseurs à friction qui s’effectue de l’intérieur de la voiture; deux boutons moletés de bon diamètre placés devant le siège du conducteur lui donnent la possibilité de jouer en marche sur leur dureté, suivant l’état des routes et des chemins ; ils étaient encore nombreux en 1933.
L’EPOQUE DES LONGS CAPOTS
Cette voiture caractérise bien en matière de carrosserie le goût d’un certain public pour les longs capots. M. Delecluse qui acheta le châssis en 1933 et commanda la carrosserie désira lui aussi être « up to date ». N’en déplaise aux esthètes, il faut dire que la carrosserie ne manque ni de classe ni d’élégance. Deux petites places en avant du pont arrière font suite à un capot de plus de 2 mètres de long, orné de 16 volets d’aération. Il eut été préférable d’opter pour des ouïes plus fines et inamovibles ; l’ensemble aurait gagné en esthétique. Le bandeau noir qui part de la calandre pour rejoindre le mouvement de l’aile arrière accentue l’impression de longueur que donne la voiture. Si toute latitude fut donnée au carrossier pour créer une voiture originale, il respecta néanmoins le dessin du radiateur sur lequel trône le célèbre bouchon appelé familièrement , « la Cocotte », et représentant deux ailes stylisées. Le pare-brise très bas ne coupe pas ce dessin longiligne et la capote donne à l’arrière un dégradé très doux. L’actuel propriétaire, M. Corre, qui consacra 2 500 heures environ de travail pour la restauration, a respecté la couleur d’origine, le gris métallisé. L’accès aux sièges ne pose pas de problème. Installé, le conducteur remarque instantanément l’exiguïté du champ de vision, exiguïté engendrée par le minuscule pare-brise et le volant aux proportions étonnantes, telles que le pilote découvre la route entre le bas du pare-brise et le haut du volant.
Cet énorme volant avance trop près du siège et gêne les mouvements. On adopte donc la position « coude au corps -. Lorsqu’on lance le moteur, on s’étonne de la douceur de fonctionnement, résultat combiné de la Dynastart et du moteur sans soupape. Ce dernier, modèle de silence, procure une impression de feutré jamais égalée. Rappelons que les premiers moteurs sans soupape conçus par Gabriel Voisin remontent à 1920 avec la 18 CV 4 cylindres de 2 000 cm3 (alésage 76 mm, course 110 mm). Si cette absence du bruit étonne et surprend agréablement, la direction ne déçoit pas; directe, douce et précise, je lui reprocherai tout de même un rayon de braquage important et l’énorme poids du moteur situé très en avant du châssis, reposant près de l’essieu, la durcit lors des manoeuvres de parcage.
Le moteur C 15 6 cylindres, d’une souplesse et d’une douceur remarquables, n’a d’égal que son silence. Heureusement, car les 2 rapports de la boite sont courts et l’enclenchement de la seconde nécessite une bonne accoutumance du fait de l’éloignement de la première et de l’imprécision de la grille. Malgré tout, la seconde peut reprendre à très faible allure -20 à l’heure- à la suite de quoi le conducteur ne s’en occupe plus puisque le convertisseur fait le reste.
De toute évidence ce moteur de 2,5 litres ne suffit pas à emmener avec vivacité une carrosserie d’un tel poids : 1 800 kg. A l’origine donnée pour 140 km/h, nous n’avons pas voulu dépasser le 100 à l’heure du fait du rodage. D’ailleurs le freinage demande une certaine circonspection. La voiture s’arrête sur des distances qui paraissent de nos jours assez importantes. N’oublions pas que le moteur sans soupape diminue considérablement le frein moteur. Ces deux causes pouvant engendrer de grands effets il convient d’être constamment sur ses gardes. Toujours au chapitre du freinage, notons tout de même l’agrément du servofrein. En matière de tenue de route, la C 15 se comporte encore honorablement et les qualités de la direction facilitent les réactions rapides. En la brusquant quelque peu, la voiture avale les virages à grands rayons sans problèmes, alors que les courbes serrées ne lui conviennent guère, les reprises étant bien trop molles.
UNE VOITURE DE CONCOURS
On le voit, les qualités routières de cette Voisin ne resplendissent pas par leurs grandeurs; ajoutons à cela une consommation d’essence et surtout d’huile importante (toujours le moteur sans soupape). A l’actif de cette magnifique automobile, de l’élégance racée, une classe de bon aloi qui ferait frémir le mannequin le plus demandé. A l’époque, la mode automobile acceptait n’importe quelle fantaisie pourvu que la beauté des lignes soit préservée. Sur le plan des qualités routières, son silence de félin et sa boîte « semi-automatique » ajoutaient à sa beauté. Le reste n’était que superflu.
Jean-Loup NORY
FICHE TECHNIQUE MOTEUR: 6 cylindres en ligne. 2 600 cm3. Distribution sans soupape. Deux carburateurs Zénith de 26. Dynamo-démarreur Dynastart.
BOITE DE VITESSES: deux vitesses avant et convertisseur en bout de boîte.
EMBRAYAGE: Monodisque.
DIRECTION: à vis sans fin. FREINS : à tambour, commandés par câble avec servofrein de type Hydrovac à dépression.
SUSPENSION: essieu rigide avec ressorts semi-elliptiques et amortisseurs à friction.
CARROSSERIE: deux places de type roadster.
Cette cette auto qui joue la « star » dans le film Hellé de Roger Vadim (1972) dont voici quelques séquences (avec une approche qui n’est -en rien- celle du cinéphile que je ne suis pas…) :p
La voiture était donc grise à cette époque mais elle a connu une nouvelle restauration (vers 1998) et se retrouve désormais noire, l’intérieur n’est plus rouge mais en peau d’autruche (tant qu’à faire l’extravagance, autant aller jusqu’au bout 🙂 ), les phares ont été changés pour des Marchal, les ailes (marche-pieds) et la capot retouchés.
Il reste un mystère sur cette auto car elle n’a pas de n° de châssis et ce serait plutôt un châssis C24 (la C15 a été fabriquée de 1928 à 1930 alors que celle-ci est de ’34)…
vue lors du dernier rétromobile (2016), cette T49 (27 HP) présentait une sublime patine. (Numéro d’ enregistrement: YF 554, n° châssis et moteur: 7874)
La T49 a été fabriquée entre 1922 et 1930 et était la « petite » Hispano-Suiza.
Elle a d’ailleurs fait sa carrière dans l’ombre de la grosse H6B (cf. en bas de cet article). Son moteur est un 6 cylindre de 3,8 Litres (3746 cc), il est dérivé du 6.6 litre de la H6 et en hérite les deux soupapes par cylindre, l’arbre à cames en tête, le double allumage (technique qui vient de l’expérience des moteurs d’avion).
Celle-ci a été exportée en Angleterre et carrossée par HJ Mulliner en « Weymann Saloon » (beaucoup de carrossiers utilisaient cette licence), c’est à dire en carrosserie « souple » en simili (j’adore les carrosseries Weymann qui sont très techniques, souples, légères, silencieuses et de grande qualité)
(il était écrit « price on request » mais elle s’était vendue environ 72000€ par Bonhams en 2014)
Quant au Club, il présentait cette Hispano-Suiza H6B carrossée en torpédo par Carlton Carriage de 1925 (de type « Weymann », là aussi)
voici la retranscription d’un article sur les Panhard « Lame de rasoir » écrit par Christian H. Tavard au début des années ’70 (ou plutôt fin des années ’60, puisque le titre est « C’était il y a quarante ans, les Panhard de record »).
Si, pour Panhard, la « belle époque » avait été celle des grands succès routiers, « l’après Grande Guerre » fut, pour la marque doyenne comme pour beaucoup d’autres, l’époque des records.
Ne voulant pas laisser les Renault ou Voisin glaner les lauriers ni inaugurer seules le palmarès du nouvel autodrome de Montlhéry, Panhard et Levassor, dont les derniers exploits sportifs remontaient à 1907, décida, dès 1924, d’affronter le chronomètre. Quatre voitures différentes furent utilisées, et si les plus glorieuses – 20 puis 35 CV – laissèrent des traces dans les revues ou journaux de l’époque, leurs cadettes — 20 puis 10 CV « Lame de Rasoir » furent bien plus discrètes.
Révolutionnaires en certains points, ces deux modèles sombrèrent dans l’oubli. Patiemment, leur histoire peut être reconstituée ; elle demeure, néanmoins, assez confuse et nous nous sommes efforcés de déméler l’imbroglio, sans prétendre toutefois y parvenir.
Que nos lecteurs veuillent donc nous excuser s’ils relèvent ici quelques erreurs — ce qui est probable — ou s’ils notent aussi quelques omissions, ce qui est certain. La contradiction possible fut toujours un piment de l’histoire et c’est avec attention que nous accueillerons tout renseignement complémentaire.
Comme les trois mousquetaires, les Panhard de record étaient quatre et leurs principales caractéristiques techniques apparaissent dans un tableau ci-contre.
Deux d’entre elles, les deux premières, furent de simples modèles de séries (châssis-moteur) dotés de carrosseries spéciales et à peu près identiques ; les deux autres, par contre, avaient été entièrement conçues et construites pour la chasse aux records. Ce furent, hélas, les malchanceuses du lot !
Au premier coup d’oeil, les « séries améliorées » se distinguent par leur carrosserie « bois » alors que les spéciales se caractérisent par leur minceur extrême et leur robe de métal poli qui les firent dénommer bientôt « Lame de rasoir ».
Quoique plus basses, ces « voitures coupe vent » présentaient quelques ressemblances avec la Talbot Darracq, spéciale qui, dès 1913, s’était illustrée à Brookland en frôlant les 170 km/h.
Bien entendu, la particularité essentielle de nos deux dernières Panhard était ce grand volant de direction, sans branche, qui entourait le corps du pilote. Pour voir la route ou la piste, le conducteur devait jeter un coup d’oeil à droite ou à gauche. Evidemment, le maître couple de la voiture se trouvait réduit à sa plus simple expression. Bien avant donc que M. Colin Chapman demande à M. Clark de s’allonger dans l’habitacle d’une Lotus XXV, l’ingénieur Breton, puis Ortmans, avaient expérimenté la position.
Comme nous l’a expliqué l’ingénieur Bionier qui participa à la conception de ces voitures, les deux modèles, la 5 L comme la 1 500 cc, furent véritablement dessinés et construits sur mesure, très exactement aux mesures de Breton.
Mais, respectant l’ordre chronologique, revenons d’abord aux deux premiers modèles de série.
Acier-acajou et cuivre!
Est-ce l’excellent temps réalisé par l’amateur Ortmans lors du meeting de Boulogne-sur-Mer en 1924, qui donna l’idée aux dirigeants de la marque de s’orienter vers les records ? On peut le croire, encore que de multiples projets prêtés alors à Renault et à Voisin aient dû probablement accélérer la décision, mais une chose est sûre ; dès le début de l’année 1925, un châssis Sport 25 ch fut cédé au département « recherches » de la Porte d’Ivry. Après moins de 5 mois, fin juin, étincelante sous sa carrosserie d’acajou cloutée de cuivre, la 20 ch pouvait partir vers Montlhéry.
Très belle, admirablement proportionnée, cette voiture se présentait comme une, fausse monoplace. Le conducteur était décalé vers la droite, la place gauche étant recouverte.
Pour ses débuts, la voiture donna presque entière satisfaction puisque l’ingénieur Breton établit quatre records du monde et que le meilleur tour d’anneau fut couvert en 48″ 1/5, soit à 190,324 km/h. Malheureusement, Breton échoua contre le record du monde de l’heure : 100 km avaient été couverts, l’avance sur l’ancien record paraissait confortable quand un pneumatique éclata. Le temps de réparer et la moyenne générale retomba à 168,900 km/h. Petite consolation, tout de même, si le record mondial, propriété de Parry Thomas (175,564 km/h sur Leyland-Thomas) était toujours debout, Breton avait établi un nouveau- record pour la catégorie 3 à 5 L. Naturellement, le moteur de cette 20 ch était du type « sans soupape », procédé expérimenté chez Panhard depuis 15 ans déjà. Parmi les innovations, il fallait compter l’emploi de chemises régulées en acier, minces et légères, qui permettaient d’atteindre un haut régime sans fatigue ni vibration. Les orifices d’alimentation avaient été largement dimensionnés et la culasse présentait une forme hémisphérique avec bougie unique et centrale, pour chaque cylindre.
Ortmans en piste
De la réussite de Breton allait naître la vocation d’un pilote amateur : Ortmans, propriétaire, on l’a vu, d’une 20 ch Sport de série. Ayant déjà obtenu quelques résultats flatteurs au volant d’une voiture non transformée, Ortmans montait à Paris, obtenait l’autorisation d’adopter lui aussi une caisse type « acajou » et l’essayait à La Baule. Malgré un mauvais revêtement, la Panhard « assistée » dépassait les 160 km/h.
Un mois plus tard, mais à Montlhéry cette fois, Ortmans culbutait les records d Breton.
Etait-ce toujours la voiture personnelle de notre amateur ou la machine prêtée par l’usine ? On l’ignore, mais il faut remarquer que lors de la tentative du mois de juin, la Panhard de Breton était équipée de roue artillerie en bois, alors que la voiture d’Ortmans — les documents photographique reproduits ici en font foi — était dotée de roues fil. Ces photographies, notamment permettent de constater la présence de tambours de freins sur les quatre roues, ce qui n’était peut-être pas le cas lors de la tout première tentative (freins arrière seulement). Une certitude toutefois pour la marque doyenne, il s’agissait d’une Panhard issue directement de la série. La parole revenait alors aux publicitaires qui, négligeant les records intermédiaires, devaient surtout mettre l’accent sur la vitesse horaire 185,773 km/h; la performance méritait effectivement d’être exploitée puisque quatre mois plus tôt, une Renault 40 ch n’avait réalisé que 173,231 km/h. Pour être impartial, il faut toutefois remarquer que la Renault se préparait alors à tourner pendant 6 h d’affilée.
Second bénéficiaire des nouveaux records, Ortmans, définitivement adopté par la marque, visait pourtant plus haut.
Châssis, freins, profilage ayant donné toute satisfaction, pourquoi alors ne pas essayer un moteur 35 ch ? L’idée fut retenue et, en avril 1926, une 8 cylindres était prête.
Le châssis ressemblait à celui de l’ancienne voiture, les formes de la carrosserie avaient également été conservées mais, pour de questions de poids sans doute, voire de prix de revient, l’acajou avait cédé sa place à la tôle d’aluminium. Comparé à celui de la 20 ch, l’empattement de la 35 était augmenté de 45 cm car il fallait bien loger le majestueux 8 cylindres.
Ce moteur dont l’ancêtre avait vu le jour en 1921 fut sans aucun doute l’une de grandes réussites de la marque. Le capot levé, ce groupe long et étroit apparaisse dans toute la pureté de ses lignes, débarrassé de ses cartes de soupapes et des tiges de commandes ou de rappels classiques. Issu des 16 puis des 20 ch, ce type 35 était constitué, en fait, de 4 cylindres (85 x 140 mm) placés bout à bout, chaque groupe possédait sa magnéto et son carburateur.
Le graissage était du type employé sur tous les modèles de la marque, c’est-à-dire par circulation sans pompe continue et débit proportionnel à l’ouverture du pavillon des gaz. Pour lubrifier le tout, 18 L d’huile étaient nécessaires : 4 L dans les cuvettes disposées sous les bielles et 14 L dans les réservoirs situés de part et d’autre du carter supérieur. L’installation du démarreur et de la dynamo combinés en bout de vilebrequin ajoutait à la netteté de l’ensemble. Sous le capot, en effet, seules les magnétos et la pompe à eau situées à l’avant gauche, venaient à peine contrarier la pureté du bloc. Très beau, ce « 8 en ligne » était aussi puissant et efficace.
Sur les modèles clients, il était quasi impossible de mettre le « pied au plancher » en palier. En côte, la voiture était irrésistiblement enlevée, sans à coup ni effort et, à l’époque, tous les « mordus » de la marque répétaient le mot célèbre du talentueux C.T. Weymann : « il y a vraiment un baladeur de trop dans cette boîte de vitesse ».
Parmi d’autres perfectionnements, bien dans la manière Panhard, il faut signaler aussi les ressorts dits auto-amortisseurs. Ces ressorts pouvaient être ramenés très rapidement en position de repos grâce à « l’interposition » entre chacune des lames, d’une série de petites lamelles d’acier. Celles-ci freinaient le ressort dans les deux sens par une friction additionnelle et combinaient ainsi le rôle de l’amortisseur à celui du ressort proprement dit. De petits ressorts en spirales placés en dessous, à chaque étage de décrochement des lames maîtresses, permettaient de régler proportionnellement la friction. Toutes ces innovations se retrouvaient naturellement sur la voiture de record et la seule différence avec la mécanique de série concernait simplement la démultiplication finale.
L‘escalade continue…
Ortmans avait vu juste et, pour sa première sortie il s’octroya non seulement les records de 50 km, 50 miles, 100 km et 100 miles mais également un nouveau record de l’heure (193,508 km/h)*: performance la plus spectaculaire ; sur 100 km, la « Pan-pan 35 » avait dépassé nettement les 200 km/h. Devant un si brillant et si rapide résultat, l’état major de la marque ne pouvait résister à la tentation. Pour dominer, distancer, éclipser Perry Thomas, le spécialiste mondial de la vitesse, il fallait construire une véritable voiture de record. L’escalade était engagée ; dès le mois d’avril, la première « lame de rasoir » était mise en chantier.
Cette première voiture est, hélas, toujours demeurée assez mystérieuse, plus encore que sa cadette, la 1500 cc. On sait, en tout cas, que l’ingénieur Breton décrocha deux nouveaux records (voir notre tableau récapitulatif) et il semble bien que ce soit au volant de cette voiture, ou du moins d’un modèle en tout point semblable que l’infatigable ingénieur pilote trouva la mort à l’époque du Salon 1926, peu après avoir dépassé les 200 km/h. Toujours selon son collègue l’ingénieur Bionier, la 20 ch avait été conçue pour atteindre les 240 kmh. Nous avons la certitude qu’elle couvrit officiellement 5 miles à 223 kmh de moyenne.
La carrosserie de cette voiture était en métal léger, la structure étant formée de lattes longitudinales placées jointure contre jointure et maintenues par des membrures internes. Pour que cette jointure entre chaque bord soit parfaite, les tranches supérieures et inférieures avaient été taillées en chevrons. Les lattes s’imbriquaient parfaitement, ce qui laisse supposer un admirable travail d’ajustage. Cette carrosserie était légèrement moins longue que le châssis proprement dit dont les deux longerons, parallèles sur les 3/4 de leur longueur, se rejoignaient sous la pointe arrière. Quant à la largeur, elle ne devait pas dépasser 55 cm, au droit du poste de pilotage dans lequel le conducteur, on le sait, se tenait à demi couché. Vue de face, la partie supérieure de l’avant formait un arrondi, la tête du pilote se trouvait dans le prolongement mais il n’était pas question, pour celui-ci, de « voir par dessus ». A Montlhéry, une vision latérale était, parait-il, suffisante…
Bien qu’il s’agisse d’un moteur 5 L, la longueur du capot, malgré les tendances de l’époque, ne dépassait pas le quart de la longueur totale. Ce capot était percé sur les deux côtés de deux groupes de… persiennes et, dans sa partie haute, de deux fenêtres longitudinales. Le radiateur, style coupe-vent, avait été fourni par Moreux; il était pris dans un carrossage en métal poli, épousant lui aussi strictement les formes de la carrosserie. Pour améliorer la ventilation, on avait même ajouté un carénage en tôle qui formait tunnel de venturi.
Remarquons aussi que les ressorts avant se trouvaient logés sous les longerons du châssis et qu’ils étaient carénés. Le système d’échappement (à l’origine deux conduits de 4 tubes qui se rejoignaient au sortir du capot) courait également sous le longeron gauche. Quant au fameux volant de direction, notre document ci-contre permet d’en admirer les détails et l’audace. Incliné d’avant en arrière sur la 5 L, il fut placé, à la demande même de l’ingénieur Breton, dans l’autre sens sur la 1500. Sur l’une comme sur l’autre de ces voitures, le levier de changement de vitesse ainsi que la commande manuelle des freins se trouvaient placés au centre, un peu en avant des pédales. Pour transmettre le mouvement, le volant proprement dit était fixé à un secteur denté qui l’engrenait à sa base sur le boîtier de direction par l’intermédiaire d’un pignon Bendix. Un mécanisme démultiplicateur était ensuite adapté. Sur la 5 L, la transmission du mouvement s’effectuait finalement par une bielle latérale placée à droite qui attaquait la traverse avant de direction située en arrière de l’essieu. Ce dispositif variait sur la 1500; la bielle était placée entre les longerons du châssis et attaquait une double biellette en équerre, la traverse de direction, l’articulation s’effectuant, là, au centre.
Un petit mystère plane toujours sur l’essieu avant qui ne se fixait pas au centre des roues mais en dessous de l’axe de rotation. De cette disposition, on pourrait déduire que les roues avant de la 1500 étaient montées sur des flasques fixes encastrés dans les jantes. A ce sujet, l’aide de nos lecteurs nous serait précieuse, utile aussi pour élucider le second mystère, celui du freinage avant. Le mécanisme de commande pouvait évidemment être placé à l’intérieur même de l’essieu, mais, compte tenu de l’étroitesse des roues, on imagine mal la forme des tambours. Une certitude en revanche, le freinage arrière s’effectuait en sortie de différentiels.
Voyons maintenant la carrosserie de cette 1500. Si l’on reprend les cotes, l’ensemble était de très petite taille et la largeur n’excédait pas 45 cm, encore s’agit-il là de la largeur maximale calculée à hauteur de l’habitacle, à un endroit où — tout de même —on avait prévu un débattement sur les coudes du pilote. Vu de dessus, cet étroit cigare d’acier ressemblait, en tout point à la carrosserie de la 5 L. Innovation sur cette seconde voiture: un appuie-tête réglable avait été monté ; il fallait d’ailleurs l’enlever pour que le conducteur puisse accéder aux commandes. Celui-ci installé, un écrou de réglage permettait de bien caler le .. tout !
La 1 500 à la casse ?
Si cette voiture ne devait jamais connaître les honneurs du palmarès, elle eût quand même mérité de survivre, ne serait-ce que pour nous livrer ses derniers secrets. Hélas après un voyage malheureux en Angleterre et malgré toute la résolution, l’acharnement même de Ortmans bien décidé, lui, à poursuivre les mise au point, la firme décida d’arrêter les expériences des « spéciales ».
La 1500, exposée au Salon de Paris 1926 disparut un an plus tard, mais selon Serge Pozzoli, grand chasseur de nos anciennes gloires mécaniques, le moteur 4 cylindres de la « Lame de rasoir » n° 2 aurait survécu au moins jusqu’en 1955 !
Notons que malgré toutes ces mésaventures, la maison Panhard poursuivit quand même ses tentatives avec l’ancienne 35 ch. Ortmans se signala encore à l’attention, en Suède, lors de l’hiver 1927, mais ce ne fut qu’en 1930 qu’un nouveau programme de records fut remis à l’étude.
Au mois d’août de cette même année, Doré atteignait les 222 km/h sur la route d’Arpajon, puis Eyston survint, qui allait ajouter quelques pages glorieuses et quelques record nouveaux à l’histoire de la majestueuse 8 cylindres 1938 cc. Nous en reparlerons…
Ch. T.
(Quant à l’ingénieur des ces Panhard, Marius Breton, il trouva malheureusement la mort sur la piste de Montlhéry en 1926)