Extrait du livre « 100 ans d’automobile française »
1925. La parole est à .Gabriel Voisin
Les catalogues de Gabriel Voisin furent toujours de véritables oeuvres d’art par lesquelles le grand constructeur exprimait avec sa merveilleuse franchise ses conceptions anticonformistes.
Le passé : L’industrie automobile était en 1900 une industrie française; nous voulons dire par là qu’elle subi toutes les fantaisies de l’esprit français.
Le futur : Les prévisions d’aujourd’hui ne seront jamais assez larges pour ce qui nous arrivera demain!
La concurrence américaine : Les voitures américaines balaieraient comme un raz de marée, en quelques jours, toute l’industrie française si les barrières douanières disparaissaient tout à coup et si la mécanique américaine pouvait résister aux routes et aux clients français!
Les Concours d’Élégance : Le Concours d’Élégance, dans lequel on décerne un prix à des bois rares, à des meubles coûteux, sans considérer le silence, la suspension, ou les freins, caractérise bien l’esprit que nous voulons combattre…
Les compétitions : Les compétitions cites sportives se traduisent régulièrement en France pour un classement qui fait ressortir autant de vainqueurs que de concurrents. Le premier des verts, le premier des blancs, le vainqueur moral , le vainqueur de l’année précédente… Le véritable vainqueur, qui se classe bon dernier, nous décide à ne plus participer aux 1000 épreuves du calendrier sportif. La course est cependant le travail indispensable grâce auquel on ne perd pas son avance.
(C5 « sport » de Rudolf Valentino, 1923, carrosserie Rothschild)
« Eh, r’garde c’te ‘ bagnole si elle est bath ! C’est une « Avions Voisin » « , s’extasiaient les titis parisiens devant une voiture haute en radiateur mais d’allure pas tout fait comme les autres ! Ce mot «Avions », blotti près du scarabée ailé qui ornait la calandre, avait sa raison d’être car son auteur, Gabriel Voisin, d’abord passionné d’aviation, devenu constructeur-avionneur de la première heure, avait produit des milliers d’avions de combat pendant « 14/18 ». Haïssant la guerre, il voulut oublier cet épisode et se lança, fin 1918, dans la construction automobile tout en conservant à son usine d’Ivry la raison sociale : Société des Aéroplanes G. Voisin. La première voiture de G. Voisin fut une « fille adoptive » par son excellent châssis tracé par Artaud et Dufresne, qui le présentèrent à A. Citroën et que ce dernier « céda » à son ami Voisin. Singularité historique, aucune voiture ne fut adaptée plus vite aux conceptions de détail d’un « tiers » ingénieur. Dès sa mise en production en 1919, elle était déjà 100 % « Voisin ». D’emblée, cette 18/23 cv est un succès, un snobisme même; elle est insolente de brio, plus silencieuse et souple avec ses 4 cylindres sans-soupapes que beaucoup de « 6 »! Elle est également sobre et rapide, gagnant aux Concours de Consommation du Mans et battant tout Grand Prix de Tourisme à Strasbourg en 1922. Elle force la porte de l’Élysée et celle de la Cour de Suède, puis part à la conquête des super-vedettes : Mistinguett, Sessue Hayakawa,le héros du film La Bataille et, suprême consécration, Rudolf Valentino. En 5 ans, G.Voisin est au sommet, « on the top », comme le clame une « scie » américaine! Il est aussi le plus rapide du monde: sa voiture à « cocotte ailée » a tourné 6 heures à 161,657 Km à l’heure!
1927-1929. Les 6 cylindres : une idée « Lumineuse »
Avec le millésime « 27 », année du début du bouleversement automobile, une 2e génération de Voisin vit le jour. Le constructeur s’y était préparé de longue date, tout en produisant des 8, 10 et 18 CV. Adversaire farouche de l’embrayage, qu’il tolérait à peine, il avait réalisé en 1921 un châssis à moteur 12 cylindres en V et coupleur hydraulique qui ne fut pas suivi (la 40 CV C2); mais, en 1929, une autre « V12 » vit le jour. Il y eut ensuite la première approche du «6 cylindres » avec de curieuses voitures à moteur 2 litres engagées au Grand Prix de l’ACE de 1923, qui frappèrent par leurs « formes aériennes ». Ces expériences débouchèrent sur le lancement de 2 modèles 6 cylindres : une 24 CV, très rapide, et une 14 CV qui fera carrière en 13 CV. Ces 2 voitures concrétisaient la technique définitive de Gabriel Voisin. Sur le plan mécanique, c’était la recherche de l’équilibre rigoureux du châssis, de l’efficacité et du silence du moteur et de la facilité de conduite. Sur le plan « carrosserie », Voisin adoptait les principes architecturaux de Le Corbusier, champion de l’utilisation maximale des espaces, de la luminosité totale grâce à de larges fenêtres, et de la légèreté de construction grâce à l’emploi quasi général de l’aluminium.
1931-1935 Les «3 litres » ou, simplement, la « 17 Voisin»
Dans les dernières années vingt, Gabriel Voisin pouvait se retourner avec fierté sur le chemin parcouru en 10 ans. La renommée de ses voitures originales et foncièrement bonnes était mondiale, et elles avaient glané sur les pistes un nombre impressionnant de records. André Morel, au volant d’une 8 cylindres 8 litres (2 moteurs de 18 CV combinés), battit le record des 24 Heures, un an après Renault, à 182,7 km/h de moyenne. Puis, en 1929, la toute nouvelle 12 cylindres, 2° du nom, accomplit un « raid » spectaculaire de 50 000 km à Montlhéry en fonctionnant… au benzol ! Voisin abordait les années trente avec une gamme étoffée de « 6 cylindres » le «cheval de bataille » était la 13 CV C14, la 24 CV C12 était toujours là, et la puissante 33 CV C16 qui existait en type surbaissé d’une grande beauté fut lancée. De plus, couronnant la gamme, une « 12 cylindres », la C18, était la fierté du constructeur. En 1931, Voisin lança un modèle très équilibré entre la 13 CV et la 24 CV la 17 CV. Malgré l’époque difficile, cette voiture puissante se vendit relativement bien. Si G. Voisin avait conservé son attachement aux carrosseries en aluminium pour sa « 17-Six », il sembla pour un temps tourner le dos aux leçons d’aérodynamique de la course…
1935-1938. L’aérodynamique sans compromis
En 1934, année de l’aérodynamique (de catalogue), Voisin rompit brutalement avec ses carrosseries à angle vif, et présenta pour 1935 des carrosseries radicalement nouvelles, affirmées encore par les modèles 1936. L’un des plus célèbres fut l’Aérodyne, une berline équipant un nouveau châssis C28 à moteur 6 cylindres poussé à 3,3 litres (19 CV). Il y eut même, en petit nombre, un modèle encore plus futuriste : l’Aérosport, avec une caisse-ponton à ailes intégrées. C’est ce style que G. Voisin réserva aussi à l’authentique monstre qui couronnait la gamme : une 12 cylindres en ligne équipée de 2 moteurs 6 cylindres de 17 CV mis bout à bout. 2 exemplaires virent le jour, et G. Voisin accomplit maints voyages entre Paris et Tournus au volant de la n° 1. En 1938 et 1939, un nouveau châssis C30 à moteur américain Graham à compresseur était commercialisé; mais, avec son moteur à soupapes, et bien que remarquable, ce n’était plus tout à fait « une » Voisin !